Les reines et princesses ont assisté et participé, à l’ombre des rois, à la tumultueuse histoire de la monarchie française qui s’est écrite en grande partie dans la cathédrale de Saint-Denis. Elles ont souvent été reléguées à leur rôle de représentation et de reproduction. Et pourtant, certaines ont su, selon ou malgré le contexte politique et social de leur époque, marquer l’histoire de France de leur empreinte. Femmes de pouvoir, reine-mères, bouc-émissaires, stratèges ou guerrières se sont succédé à Saint-Denis. Certaines sont très connues, d’autres plus confidentielles, mais toutes ont leur mot à dire sur notre patrimoine historique.
Au Moyen-Âge, les Reines pouvaient avoir, selon le contexte, d’importants pouvoirs et même être de véritables chefs de clan. En effet, en cas d’incapacité du roi à gouverner, pour raison de santé physique ou mentale la plupart du temps, la reine pouvait être amenée à prendre part à la politique du royaume.
Certaines, comme Aliénor d'Aquitaine sont même allées en croisade. Aux yeux des ecclésiastiques, cette présence fut d'ailleurs un véritable scandale : les femmes auraient souillé les armées, faisant échouer la croisade. Mariée à deux rois, mère de douze enfants dont deux souverains, Aliénor d'Aquitaine a régné 67 ans, côtoyé des hommes d'église influents comme Suger ou Thomas Becket, et illustre la liberté relative des femmes de la haute société du Moyen-Âge. Cette femme au caractère hors du commun a demandé l'annulation de son mariage et choisi son deuxième époux, fait exceptionnel à l'époque ! Aliénor d'Aquitaine était présente lors de la consécration de l'abbatiale de Saint-Denis le 11 juin 1144. Le vase d'Aliénor se trouvait avec d'autres trésors dans la basilique de Saint-Denis. Vous pouvez admirer le vase d'Aliénor au Louvre.
Progressivement, on voit un affadissement du rôle et du pouvoir des reines se produire, jusqu’à les voir réduit à leur fonction de représentation à la Renaissance, à la notable exception de Catherine de Médicis. Plus le statut de la reine s'officialise, notamment avec le couronnement de la reine à Saint-Denis, plus son champ d'action diminue.
La reine a un rôle sacré de représentation, pas seulement de procréation. Elle représente les valeurs traditionnelles. La frivolité et le caractère dépensier attribué à Marie-Antoinette (et à toutes les reines en général), inhumée à Saint-Denis, insoumise et en rupture avec la tradition, lui vaudront les foudres du peuple et précipiteront le désaveu de la monarchie. Cependant les motifs de la haine farouche qu'elle suscita sont plus à chercher du coté de cette rupture avec l'image traditionnelle de la reine que d'une quelconque influence politique.
L’image de la reine, et de la femme, qui se profile à travers l'héritage de Saint-Denis est ambigüe et compliquée à définir. Les témoignages écrits de l’époque sont produits par des hommes d’églises. Hostiles aux femmes, qu'ils considèrent comme pécheresses par nature, ceux-ci en font généralement un portrait peu flatteur au trait grossièrement noirci. On ne peut donc se fier uniquement à ses témoignages pour se représenter une image réaliste du rôle des femmes dans la monarchie et l'exercice du pouvoir. Quelques figures de reines se distinguent des autres par l'image négative qui leur colle à la peau.
Frédégonde, la sanguinaire a une terrible réputation car elle a fait assassiner ses ennemis pour gouverner, pratique pourtant extrêmement répandue à cette époque chez les hommes… Elle utilisera la ruse et le meurtre pour parvenir au pouvoir en devenant reine et mettre son fils sur le trône. Cette reine mérovingienne a enflammé l’imagination. Elle incarne le versant négatif de la mère ambitieuse qui profite de son rôle pour obtenir le pouvoir, opposé au versant positif chrétien de la mère dévouée. Fine stratège politique, elle a su acquérir un immense pouvoir et une grande fortune par l’ingéniosité, à défaut de pouvoir aspirer à un statut non officialisé à l’époque, puisqu'il n’y avait pas de rite d’intronisation des reines.
Le portrait fait d’Isabeau de Bavière, la femme du roi fou qui a gouverné à la place de son mari, est extrêmement noirci. Parlant peu français et n’étant pas préparée et peu influente, elle mène une politique infructueuse. Une campagne diffamatoire a été menée contre elle par le Duc de Bourgogne, si efficace qu’elle perdure aujourd’hui encore ! Elle est accusée d’avoir rendu fou le roi, d’adultère et d’avoir mis au monde des bâtards. Elle est haïe surtout pour ses origines étrangères et suspectée d’espionner pour le compte de sa famille d’origine. Elle est considérée comme l’antithèse de Jeanne d’Arc.
À la mort de son mari, son fils étant mineur, Blanche de Castille devient régente du royaume, fait exceptionnel pour une femme. Son règne s’avérera compliqué : des menaces pèsent sur son fils Louis IX – qui deviendra Saint-Louis – ; étrangère et pieuse, elle se voit attribuer des liaisons avec le comte de Champagne, et le légat pontifical, Romain de Saint-Ange. Blanche ne cèdera pas la place à sa belle-fille, Marguerite de Provence. Mère toute puissante et femme de pouvoir, elle jouera de son influence longtemps après le mariage de son fils. La reine-mère reprend le pouvoir dès que son fils est malade ou en croisade.
Catherine de Médicis est la figure de la reine-mère par excellence. Elle restera longtemps dans l'ombre de son époux et de sa maîtresse Diane de Poitiers. Mais quand Henri II accède au trône, elle devient reine de France. Son fils François, monte sur le trône après la mort brutale de son père en 1559. Le roi est jeune et fragile. Catherine exerce discrètement le pouvoir. À la mort du roi, son autre fils, alors mineur, prend la couronne. Il est hors de question qu’elle devienne régente mais elle obtient d’être nommée gouvernante de France. Intelligente et expérimentée, elle va régner à travers son fils. Cette médiatrice hors pair va préserver un moment l’unité du royaume dans cette période troublée qui connaîtra huit guerres de religion. On lui attribuera à tort l'entière responsabilité du massacre de la saint-Barthélémy. Ce rôle de bouc-émissaire éclipse l'incroyable persévérance dont elle a fait preuve.
Certains personnages féminins importants sont passés à Saint-Denis. Ainsi Jeanne d’Arc, femme guerrière par excellence, a déposé ses armes, une de ses épées et une armure après son échec aux murs de Paris.
Aliénor d’Aquitaine n’est pas inhumée à Saint Denis mais a joué un rôle majeur dans l’histoire de la monarchie. Elle a assisté à la consécration du ch½ur de la basilique Saint-Denis. Après la séparation entre Louis VII et Aliénor, le Roi se marie avec Constance, infante de Castille qui devient Reine de France.
Marie de Médicis est la dernière reine a avoir été sacrée à Saint-Denis. Ses restes, comme tous ceux des Bourbons, enterrés dans un simple cercueil, ont disparu lors de l’exhumation des corps à la Révolution Française.
Une exposition exceptionnelle de 13 robes royales de 3 mètres de haut inspirées de celles des gisants s'est tenue à la basilique Saint-Denis en 2015 et 2016.
Lors de votre visite de la Basilique Cathédrale, ne manquez pas également les tombeaux et gisants de l'infante de Castille, de Blanche de Navarre et de sa fille Jeanne. On peut aussi voir dans la Basilique St Denis le tombeau de Béatrice de Bourbon, le gisant de pierre noire de Marie de Brienne ou le gisant de Blanche de France.
Livre : La Basilique Saint-Denis et ses grands chantiers paru en avril 2022, auteur : Jean-Michel-Leniaud
Les Gisants de la Basilique de Saint-Denis, auteur : Antoine Schneck
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