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L'agriculture à vocation sociale et environnementale en Seine-Saint-Denis


Les différentes formes d’agriculture présentes sur le territoire de la Seine-Saint-Denis sont regroupées en deux grandes catégories qui sont les exploitations à finalité sociale et celles à finalité économique. Parmi les premières se trouvent le maraîchage, les jardins partagés et les jardins familiaux. Au milieu du XXe siècle, les cultures maraîchères du nord de Paris s’étirent de Bobigny à Stains en passant par La Courneuve, Aubervilliers et Saint-Denis.

L’histoire du maraîchage

Au XIXe siècle et à l’orée du XXe, un phénomène nouveau trouble, en Seine-Saint-Denis, la société agricole traditionnelle : l’arrivée des maraîchers. Les maraîchers doivent leur nom à leurs ancêtres parisiens qui cultivaient les marais de la capitale situés à l’emplacement de l’actuel quartier dit « du Marais ».

L’église de la Collégiale de Sainte-Opportune (qui se trouvait dans l’actuel 1er arrondissement de Paris et a aujourd’hui disparue) manque de ressources et, afin d’obtenir de nouveaux revenus, elle décide de « bailler à cens » (sorte de location moyennant un impôt, le cens étant une redevance annuelle, en argent ou en nature, calculée sur les récoltes) ses terres incultes. En 1154, l’évêque de Paris donne l’autorisation à la Collégiale de Sainte-Opportune de mettre en culture les marécages qu’elle possède sur la rive droite de la Seine jusqu’à Montmartre et qui, jusque là étaient utilisés comme pâturage pour les troupeaux de la ville. On trouve aux Archives nationales (dans la Série L) des copies de la charte du roi Louis VII, de 1154, notifiant « l'accensement par l'église de Sainte-Opportune de la moitié de ses terres arables du Marais (Cartons L 617, 1, 2, 3, 9 - 1154 - copies 1627 et 1706). Cette autorisation de l’évêque établit l’acte de naissance des cultures dites de « spécialistes ».

La proximité de l’île de la Cité, alors en pleine expansion, attire les preneurs qui, ainsi, se trouvent les mieux placés pour satisfaire aux besoins urbains de plus en plus nombreux. En une vingtaine d’années, la moitié de la surface totale des marais est mise en culture et, dès le XIIIe siècle, toute la zone marécageuse occupant l’emplacement de l’ancien bras de la Seine est asséchée et cultivée.

Pendant plusieurs siècles, les terres spécialement consacrées aux cultures légumières sont désignées par le terme de « marais » du fait de l’origine géographique du phénomène. Pourtant, au XIVe siècle, les « marais et jardins » du quartier du Temple, à Paris, sont baillés à un « jardinier ». Le terme de « maraîcher » apparaît au cours du XVe siècle, mais les pièces officielles du XVIe siècle continuent de stipuler la location à des « jardiniers » ou des « laboureurs-jardiniers ». L’existence de la corporation des maîtres jardiniers peut expliquer la prédominance de ce terme sur les actes officiels jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. On le trouve encore sur les sommiers de ventes des biens nationaux, pendant la Révolution française de 1789, alors que le terme de « maraîcher » est utilisé dans le langage courant depuis le XVIIe siècle. Suite à la disparition des corporations, avec la loi Le Chapelier en 1791 qui interdit les organisations ouvrières, et par extension la corporation des maîtres jardiniers, l’usage du mot « maraîcher » devient exclusif au moment même où le site primitif est abandonné. Enfin, actuellement, les économistes désignent sous le terme général de « culture spécialisée » les exploitations maraîchères, fruitières, florales, viticoles, etc.

Les maraîchers quittent Paris et gagnent les villages de banlieue

La densification de l’urbanisation parisienne chasse les maraîchers de la capitale. Dès le XVIIe siècle, le mouvement s’amorce et des maisons commencent à envahir les marais qui, eux-mêmes, investissent les terres labourables parisiennes. À la fin du XVIIIe, de nombreux marais sont entièrement bâtis. Les maraîchers locataires avec leurs indemnités d’éviction et les propriétaires avec le produit de la vente de leurs terres partent et aménagent de nouveaux marais. Tandis que Paris s’étend, l’anneau des cultures spécialisées recule et aucun secteur ne présentant les conditions naturelles aussi favorables que les grands marais de Paris, une phase de dispersion succède à la concentration primitive. Les maraîchers commencent à gagner les villages de banlieue.

Ils s’installent alors sur le territoire des villages déjà voués aux cultures légumières comme Aubervilliers et la Courneuve où, depuis le XIVe siècle et jusqu’en 1876, la Plaine des Vertus est la plus vaste plaine légumière de France. Puis, avant la fin de la première moitié du XIXe siècle, les maraîchers débordent et gagnent les communes voisines comme Stains ou Bobigny. Les premières subissent une mutation progressive des pratiques agricoles, notamment de céréales, vers la culture de légumes de plein champ puis le maraîchage. Les secondes passent directement des cultures agricoles traditionnelles au maraîchage. En passant de la culture céréalière à la culture légumière, les parcelles des exploitations diminuent tandis que le nombre de cultivateurs augmente car ces dernières sont très demandeuses de main d’œuvre.

Lorsqu’ils s’installent en banlieue, au XIXe siècle, les maraîchers élèvent systématiquement des murs autour de leurs parcelles, appelées des « marais », souvent carrées, donnant naissance à un nouveau paysage agricole. Les murs servent à la fois de brise vent mais aussi de protection contre les maraudeurs. Alors que les maraîchers parisiens dissociaient leur habitat de leurs terres cultivées, les migrants qui s’installent dans les nouveaux marais, au-delà de la zone primitive, bâtissent leur maison sur la pièce de terre exploitée. Ainsi, un milieu humain original, rural par ses travaux, urbain par son habitat, s’organise autour de Paris.


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