La remise en état de la ville commence alors que la population revient progressivement et que la vie reprend son cours. Cela ne facilite pas le travail. Dans un premier temps, de septembre 1944 à juillet 1945, des prisonniers de guerre allemands sont employés pour l’étayage des immeubles endommagés ou la démolition des ruines menaçantes.
L’aspect réglementaire et administratif de la Reconstruction oblige à ce que les travaux se fassent, îlot par îlot, en procédant au remembrement de chaque parcelle. Cette reconstruction permet de rénover le centre ville trop dense voire, par endroits, insalubre. Avant guerre, certains quartiers étaient surpeuplés et le parcellaire y était souvent défectueux. Le remembrement a donc pour but de répartir d'une manière plus judicieuse les groupements d'habitation. Cette opération nécessite de définir des zones dites "de compensation", zones non ou peu bâties avant la guerre, qui vont permettre le desserrement. À Noisy-le-Sec quatre zones de compensation sont ainsi définies. Puis, après de longues tracasseries administratives, les sinistrés doivent se regrouper en "association syndicale de reconstruction".
Les premiers déblaiements et les premières réparations d'office indispensables à la mise en sécurité effectués, des baraquements provisoires sont installés au printemps 1945 afin d'y loger des sinistrés. Ils abritent également des commerces et des services administratifs dont un bureau du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (le MRU). En septembre 1945, Noisy-le-Sec accueille le siège provisoire de la Fédération nationale des sinistrés qui a pour secrétaire général Henri Quatremaire. Résistant communiste, il a présidé le Comité local de Libération de Noisy-le-Sec dès le 26 août 1944 et a été élu maire de la ville en mai 1945.
En 1947, la France se relève difficilement de la guerre. Le blocage des prix et des salaires pourtant déjà très bas ne favorise pas le climat social et des grèves éclatent un peu partout dans toutes les branches d’activités. De plus, le blocage des loyers n’incite pas à l’investissement dans la pierre. Pour parer au plus pressé, l’État instaure une politique nationale du baraquement. On importe des baraques préfabriquées des États-Unis, du Canada, de Suisse, de Grande-Bretagne, de Suède. Des cités dite "de transit" poussent ici et là. Aux baraquements, on ajoute parfois des "maisons de transition", constructions plus solides, montées avec des matériaux composites, à l’aspect rapidement proche du bidonville. Agrémentées d’un jardin et d’un poulailler, ces baraques de type UK100 pour la plupart d’entre elles suscitent une forte sociabilité et seront abandonnées avec regret par leurs habitants. Cependant, certaines d’entre elles, entretenues ou réhabilitées font toujours le bonheur de leurs occupants.
Parfois, comme à Noisy-le-Sec, la cité se transforme en chantier expérimental. Implantée de part et d'autre de l'avenue du Général Leclerc, la cité expérimentale de Merlan est composée de 56 maisons préfabriquées dont 25 issues de pays étrangers (USA, Angleterre, Suède).
Les difficultés que rencontre la Reconstruction nationale dues à l’insuffisance de charbon, la pénurie des matériaux de construction traditionnels (ciment, briques, tuiles, carrelage), auxquelles s’ajoute le manque de main-d'œuvre spécialisée et locale poussent le ministère de la Reconstruction à mettre l'accent sur l'emploi de matériaux et de procédés de construction nouveaux, nécessitant le moins de matières premières ou le moins d'énergie possible pour leur transformation.
Le chantier expérimental de la cité de Noisy-le-Sec permet à des constructeurs français et étrangers de présenter différents procédés de construction mettant en œuvre les matériaux les plus divers : bois, métal, béton, béton armé, matériaux synthétiques. Le défi est technique et des projets venant d’entreprises des États-Unis, du Canada, de la Suisse, de la Grande-Bretagne, de la Suède, de la Finlande se joignent à ceux d’industriels français. La recherche de prototypes concerne autant les infrastructures que les équipements intérieurs des maisons : cuisines, salles de bain, mobilier. Les grands noms du modernisme comme Jean Prouvé, Lionel Mirabaud et Jean Chemineau sont présents dans la conception des projets de Merlan.
Ces projets ont nécessité un important travail d'information auprès de la population concernée par le relogement dans ces prototypes car elle n'était pas habituée à vivre dans des maisons en bois, ni à cuisiner dans des cuisines américaines ouvertes sur une salle commune.
Les chantiers expérimentaux comme le Merlan à Noisy-le-Sec mais aussi à Dunkerque ou à Mouveaux (au sud de Tourcoing) constituent de véritables expositions permanentes de la politique d'industrialisation du bâtiment menée par le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. Des visites y sont organisées. À Noisy-le-Sec, élus, architectes français et étrangers, étudiants, professeurs d'enseignement ménager, assistantes sociales se succèdent pour voir ces maisons, prototypes de préfabrication. Jusqu'en 1951, les habitants ont l'obligation d'ouvrir leur maison aux visiteurs deux demi-journées par semaine.
L’exécution du second chantier expérimental de Noisy-le-Sec est confiée aux architectes Paul Nelson, Charles Sébillotte et Roger Gilbert, est situé près de la gare et porte sur des immeubles collectifs. Ces trois architectes avaient déjà travaillé ensemble sur la conception de l’hôpital franco-américain de Saint-Lô.
Pour la conception de l’îlot de la Gare Paul Nelson souhaite utiliser la pierre prétaillée qui est une piste possible de standardisation et de préfabrication car, en France, les maisons en bois ont du mal à s’implanter. Elles sont assimilées à l’habitat précaire alors que la pierre rassure. Un concours doit être lancé pour trouver le producteur de cette pierre prétaillée. Le chantier expérimental de petit collectif est accolé à la rue Jean Jaurès en face de la gare en cours de reconstruction.
"Le chantier de la gare est une opération vraiment intéressante parce que l’échelle urbaine y est particulière. Par ailleurs, Paul Nelson a finalement peu construit en France, en dehors de l’hôpital franco-américain de Saint-Lô, qui est une œuvre majeure de la Reconstruction.
Si les architectes communistes sont souvent des modernes, partisans de Le Corbusier, d’André Lurçat ou d’Auguste Perret, les grands noms de l’époque, les politiques eux, sont beaucoup plus conservateurs du point de vue esthétique ; ils font confiance aux architectes, mais dans une proportion relative. À la suite, ce chantier n’aura pas d’effet d’entrainement" explique Benoît Pouvreau dans un entretien réalisé avec l’association d’histoire de Noisy-le-Sec, Noisy-le-Sec Histoire(s).
Suite à une défaillance technique, l’îlot de la gare n'est livré qu'au cours de 1952 tandis que la dernière maison de Merlan ne sera habitable qu’en 1953. Les autres chantiers noiséens de reconstruction se terminent autour de 1955. Parallèlement, la cité-jardin du Londeau est livrée en 1951 et, plus tardivement, la cité "La Pierre Feuillère - Les Trois Bonnets" de l’Office public d’Habitation à bon marché de la Seine, sera achevée en 1957.