Dans la seconde moitié du XXe siècle, le statut confus de la restauration des monuments historiques se normalise par une série de Chartes internationales qui aboutissent à la définition et à la réglementation du travail de restauration telles qu’on les conçoit actuellement.
La première est la Charte d’Athènes pour la restauration des Monuments Historiques adoptée lors du premier Congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques en 1931 (à ne pas confondre avec la Charte d’Athènes de 1933, aboutissement du IVe Congrès international d’architecture moderne qui s’est tenu sous l’égide de Le Corbusier).
Cette Charte affirme l’intérêt de toutes les phases de vie d’un bâtiment et recommande de "respecter l’œuvre historique et artistique du passé, sans proscrire le style d’aucune époque". Elle incite à une occupation des monuments respectueuse de leur caractère historique ou artistique, assurant ainsi la continuité de leur vie. Elle insiste, d’une part, sur le rôle de l’éducation dans le respect des monuments "profondément convaincue que la meilleure garantie de conservation des monuments et œuvres d'art leur vient du respect et de l'attachement des peuples eux-mêmes" et, d’autre part, sur l’utilité d’une documentation internationale. Enfin, la Charte d’Athènes souligne l’importance d’une collaboration étroite entre archéologues et architectes. Quelques points posent tout de même problème, comme le fait que cette Charte autorise le recours au béton armé.
En 1964, le 2e Congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques se réunit à Venise dans le but de "réexaminer les principes de la Charte d’Athènes afin de les approfondir et d’en élargir la portée dans un nouveau document". Elle étend la notion de monument historique au "site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un évènement historique" et insiste sur la valeur à la fois historique et artistique d’un monument.
Pour ce qui concerne la conservation, la Charte de Venise fait écho à celle d’Athènes en soulignant l’importance de conserver les monuments en état de fonctionnement, sans que cela ne puisse affecter l’ordonnance ou le décor des édifices, ainsi que l’importance d’un cadre protégé à l’échelle du monument.
Quant à la restauration à proprement parler, la Charte de 1964 affirme qu’elle "a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques". En conséquence, elle rejette dans la mesure du possible les reconstitutions incertaines. Si celles-ci sont indispensables, la Charte insiste sur la nécessité que ces reconstitutions portent la marque de notre temps afin de ne laisser place à une quelconque ambigüité. Comme la Charte d’Athènes, elle considère que "les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectées, l’unité de style n’étant pas un but à atteindre au cours d’une restauration". Tout élément destiné à remplacer une partie manquante doit "s’intégrer harmonieusement à l’ensemble, tout en se distinguant des parties originales". Enfin, la nouveauté de cette Charte est de comporter un article sur les fouilles.
La dernière en date, celle en vigueur aujourd’hui, est la Charte de Cracovie de 2000. Cette Charte reprend, en les approfondissant parfois, un certain nombre de points des deux précédentes. Toutefois, elle présente le mérite d’apporter un cadre conceptuel important, notamment avec la définition du "projet de restauration". Celui-ci "doit être basé sur un éventail d'options techniques adéquates et être préparé par un processus cognitif de recueil d'informations et de compréhension de l'immeuble ou du site", induisant l’interdisciplinarité. Enfin, le projet de restauration doit être basé sur des principes que la Charte définit par celui de l’intervention minimum, celui de l’authenticité, de l’intégrité, et de l’identité.
La Charte de Cracovie nuance la position des chartes précédentes quant aux matériaux et techniques modernes : "tout nouveau matériau, toute nouvelle technologie doivent être rigoureusement testés, comparés et maitrisés avant application" et doit ensuite faire l’objet d’un suivi permanent. Elle présente aussi la nouveauté d’élargir le champ de la restauration du patrimoine aux villes et villages qui doivent être perçus dans leur environnement territorial, le paysage faisant partie du patrimoine culturel car "dans de nombreuses sociétés, les paysages ont un rapport historique avec le territoire et les influences de la ville".
Enfin, la présentation au public y est encouragée avec, notamment, "le recours aux technologies modernes, aux banques de données, aux systèmes d'information et aux techniques de présentation virtuelle."
Le rapide examen de cet historique des trois Chartes pose la question de la définition du travail de restauration architecturale. Cette définition est inséparable de celle de la conservation. Si les deux notions ont parfois été opposées, au profit de la restauration, pour dénoncer certains excès, par Ruskin par exemple, il est en fait assez difficile de tracer une limite nette entre les deux et encore moins de les opposer.