Cette petite maison située rue de la Pelouse, à Neuilly-Plaisance, peut paraître anodine. Elle ne l'est pas. Construite sous Napoléon III, elle est le reflet d'un courant qui a eu son heure de gloire dans la guerre des styles qu'a connue le XIXe siècle.
Au milieu de la prolifération ornementale produite par l'éclectisme, courant architectural qui utilise à outrance les références historiques, une autre manière de bâtir émerge. Plus sobre mais avec le souci, pour les architectes qui s'en réclament, d'utiliser les matériaux nouveaux : c'est le rationalisme. Les deux personnages les plus importants de cette tendance sont Henri Labrouste (1801-1875) et Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), l'architecte qui sera chargé de la restauration de la Basilique cathédrale de Saint-Denis et le constructeur de Saint-Denis-de-L'Estrée, également à Saint-Denis. Prosper Mérimée, alors Inspecteur général des monuments historiques, introduit Viollet-le-Duc à la cour de Napoléon III. C'est le début d'une carrière atypique.
Viollet-le-Duc, qui domine l'architecture française de 1840 à 1870, est aussi historien et surtout théoricien. Ses idées inspirent nombre de ses contemporains tels les créateurs de l'art nouveau au tournant du XXe siècle. Pourtant, les rationalistes ne sauront échapper à l'impasse de l'éclectisme ni imaginer des formes nouvelles, concrètes, qui ne se situeraient pas dans une référence historique. La maison de la rue de la Pelouse est le reflet de cet échec. La symétrie de sa façade de style classique, l'embryon de fronton au-dessus de sa porte d'entrée, ses fenêtres à la Mansart sur la toiture, la balustrade de sa double terrasse, n'en font pas un bâtiment à l'architecture révolutionnaire mais répondant bien aux critères sobres du rationalisme mais émaillé de références historiques.
La particularité intéressante de la maison Napoléon III de la rue de la Pelouse a malheureusement disparu. À l'origine, l'escalier central avait été conçu pour descendre vers une serre. Après la Restauration, l'emploi du fer en France s'étend à de nombreuses réalisations tandis que l'industrie du verre fait de grands progrès techniques. Si les expérimentations d'association du verre et du fer concernent plus particulièrement les projets utilitaires comme les marchés couverts, les halles et les abattoirs. Il en va de même pour les serres qui deviennent fort prisées. La serre de la rue de la pelouse n'existe plus, mais l'escalier qui y conduisait embellit la façade trop simple en lui donnant une certaine harmonie.