Le quai aux bestiaux de Pantin fait partie d’une emprise industrielle et ferroviaire de 19 hectares dite de Pantin-Local. Cet espace aménagé à partir de 1862 est dès l’origine dédié essentiellement au trafic de marchandises. Il constitue une « avant-gare parisienne » de la compagnie des chemins de fer de l’est pour le fret, l’entretien et le garage du matériel roulant. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le site est progressivement aménagé. En 1863, un premier quai aux bestiaux est construit le long de la rue du débarcadère. Il permet l’embarquement et le débarquement des bestiaux à destination des marchés de Sceaux et de Poissy. À partir de 1867, il s’avère utile à la desserte du marché et aux abattoirs centraux de la Villette, dont il est très proche géographiquement. Vers 1890, un nouveau quai est construit, accessible depuis les rues Denis Papin et Cartier Bresson. Plus moderne (il est facilement nettoyable et possède un système de désinfection), il est directement relié à la grande ceinture et permet l’arrivée en région parisienne d’ovins et de bovins venant de toute la France. Une grande partie du trafic est constitué par ces troupeaux. Long de 393 mètres, ce quai construit en hauteur (5 mètres au-dessus du niveau de la rue Cartier Bresson) est desservi par trois voies reliées au faisceau de l’Est. Les trains peuvent donc se garer directement le long du quai et être déchargés sans qu’il soit nécessaire de manoeuvrer les wagons. Sorte de « rue latérale » pavée de 12 m de largeur, le quai est à la hauteur du sol des wagons à bestiaux, ce qui facilite l’évacuation des troupeaux.
Pendant la Première Guerre mondiale cette zone sert aussi à l’activité militaire. Pendant la Seconde Guerre mondiale l’activité économique est considérablement ralentie. Le 18 avril et le 13 mai 1944, il sert de lieu de départ de deux importants convois de femmes (autour de 500 à chaque fois) déportées à Ravensbrück et jusque là internées au fort de Romainville. Le 11 août, une centaine de femmes, puis surtout le 15 août, près de 2 500 hommes et femmes, sont de nouveau déportés à Buchenwald et Ravensbrück. Le dernier convoi, le plus important par le nombre de ses déportés, est le résultat de l’évacuation du camp de Romainville et de la prison de Fresnes, à quelques heures de la libération de Paris. Dans les jours qui suivent, un train blindé allemand stationne sur le site, dans un contexte de combats avec les FFI, amenant l’incendie des grands moulins. Un monument composé d’un morceau de rail et d’une plaque commémorant le dernier convoi est érigé sur le quai aux bestiaux, où se déroule chaque année une cérémonie commémorative. Après guerre, la réorganisation du fret ferroviaire a pour conséquence une réorientation de l’activité logistique de ce site, lequel est progressivement désaffecté ou loué à des entreprises privées. L’ensemble du secteur Pantin-Local fait l’objet d’un projet de renouvellement urbain autour d’un projet d’éco-quartier.
Extrait de l'étude "valorisation et mise en réseau des lieux de mémoire de l'internement et de la déportation en Seine-Seine-Denis", réalisée par Topographie de la mémoire (Anne Bourgon, Hermine de Saint-Albin et Thomas Fontaine).
Auteur : Anne Bourgon