Les fouilles archéologiques réalisées à Saint-Denis ont révélé l'existence d'un village à cet endroit dès l'époque mérovingienne. Construite sur la voie gallo-romaine, la Via Strata, origine de son nom, l'église de l'Estrée était située à l'extérieur des remparts qui entouraient le village. Cette fortification avait été commandée par Charles-le-Chauve pour protéger le lieu des Vikings. Cette église primitive était déjà dédiée à saint Denis. L'actuelle église Saint-Denis-de-l'Estrée, édifiée au XIXe siècle, est couramment appelée « l'église neuve » par les Dionysiens. Sa construction est contemporaine au chantier de restauration de la Basilique cathédrale et placée sous la direction du même architecte prestigieux qu'est Viollet-le-Duc.
Lorsque, au XIXe siècle, la Basilique cathédrale de Saint-Denis est classée parmi les monuments à restaurer, les travaux sont confiés à l'architecte Debret. Mais les erreurs que commet ce dernier obligent à le démettre de ses fonctions et Eugène Viollet-le-Duc se voit confier le chantier de la restauration de la Basilique cathédrale. Issu d'une famille de la grande bourgeoisie, Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) est un autodidacte. Il refuse de fréquenter l'école des Beaux-Arts et se forme à l'art architectural en parcourant la France et l'Italie. Pendant toute sa carrière, il prend des notes et réalise des croquis, pas seulement sur les bâtiments qu'il restaure, mais sur toutes les constructions romanes, gothiques et Renaissance vouées à la démolition. Ses études ne se limitent pas à l'architecture et Viollet-le-Duc s'intéresse aussi au mobilier, aux vêtements, aux instruments de musique, à l'armement...
Mérimée, alors Inspecteur général des monuments historiques, introduit Viollet-le-Duc à la cour de Napoléon III qui lui confie la rénovation du château de Pierrefonds. C'est le début d'une carrière atypique. Bien qu'ayant réalisé peu de constructions, Viollet-le-Duc domine l'architecture française de 1840 à 1870. Les nombreuses restaurations de monuments médiévaux, aussi célèbres que la cathédrale d'Amiens (1849), Notre-Dame de Paris (1844), la Basilique cathédrale de Saint-Denis (1846) ou encore les remparts de Carcassonne (1844), lui assurent sa notoriété. Pourtant, ce ne sont pas ses nombreux travaux qui le rendent célèbre mais les critiques qu'ils ont suscitées. La première contestation vient d'Anatole Leroy-Beaulieu, en 1874, à propos de la restauration de la cathédrale d'Évreux jugée trop lourde. De nombreux architectes et archéologues partagent son avis. À la fin du XIXe siècle, l'Europe entière remet en cause sa pratique des restaurations et le nom même de l'architecte devient synonyme de mauvais goût : Faire du Viollet-le-Duc, dit-on alors !
Cependant, lorsque, après la Première Guerre mondiale, les grands monuments médiévaux victimes des bombardements doivent être restaurés, sa lecture de la structure gothique et la conception qu'il se fait de la restauration reviennent à l'honneur. C'est une des grandes leçons que les architectes du XXe siècle tirent de l'œuvre de Viollet-le-Duc à travers, notamment, la définition qu'il en donne lui-même : « Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir [...], c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné ». Ses différents chantiers suscitent une autre manière de concevoir l'authenticité du monument ancien (respect de la taille de la pierre, par exemple), mais également une renaissance des arts décoratifs.
Viollet-le-Duc est aussi historien et surtout théoricien de l'architecture. Ses idées inspirent nombre de ses contemporains tels les créateurs de l'art nouveau au tournant du XXe siècle. La production historique de Viollet-le-Duc est étroitement liée à celle du restaurateur puisqu'elle découle d'innombrables enquêtes sur le terrain, travaux sur les bâtiments existants, dessins et lavis. Alors qu'à son époque, la plupart des historiens se contentent de l'écrit, l'originalité de Viollet-le-Duc consiste à intégrer au discours historique le commentaire sur le bâti et les objets, participant ainsi à l'élaboration d'une histoire des civilisations.
Alors même que la restauration de la Basilique cathédrale bat son plein sous la direction de Viollet-le-Duc, ce dernier dessine les plans de la nouvelle église de l'Estrée. La façade de Saint-Denis-de-l'Estrée, orientée vers l'orient, se dresse dans l'axe de la Basilique cathédrale, les deux édifices étant reliés par la rue de la République. Le clocher porche, à la mesure de la nef, se répartit sur trois niveaux. La large baie du premier étage comprend quatre lancettes et une rose, le deuxième étage se compose de trois hautes baies accolées, enfin, le toit de couverture est encadré de chimères accroupies aux quatre coins.
Le grand orgue symphonique a été réalisé en 1868 par le facteur Merklin Schutz. Cet orgue est classé monument historique depuis 1987. La construction de l'église Saint-Denis-de-l'Estrée dure quatre années, de 1864 à 1867. Viollet-le-Duc ne s'est pas contenté d'en dresser les plans. Il a également dessiné le mobilier, les objets liturgiques et les peintures murales.