Occupant une situation stratégique de premier ordre puisque située dans une boucle de la Marne, l'actuel Hôtel-de-Ville de Gournay a été construit à l'emplacement d'une forteresse utilisée par Henri de Navarre pour reprendre Paris aux Ligueurs en 1590. La municipalité y est installée depuis 1925.
Louis Ancelin est le frère de lait de Louis XIV puisqu'il est le fils du maître d'hôtel de Louis XIII, Etienne Ancelin, et de la nourrice de Louis XIV, Pierrette Dufour. En épousant Marie Levassor, Louis Ancelin devient le seigneur de Gournay-sur-Marne. Après la destruction de l'ancienne forteresse, Louis Ancelin fait construire, en 1680, un château aux lignes classiques qui a subi très peu de modifications. L'ensemble architectural extérieur semble plus proche du style Henri IV que de celui de Louis XIV, époque à laquelle le château de Gournay a été construit. C'est un édifice sévère qui allie la brique à la pierre de taille comme le veut ce style dont la place des Vosges, à Paris, demeure un remarquable exemple. L'ordonnance de la façade est d'une grande régularité soulignée par des travées d'égales largeurs et flanquée de deux pavillons répondant à la tradition de l'architecture à la française du milieu du XVIe siècle. La toiture haute, d'où jaillissent les souches de cheminée, est percée de lucarnes et d'œils de bœufs.
La façade donnant sur la Marne, ornée d'un fronton classique et de deux travées centrales, est plus élaborée. Un balcon en fer forgé rappelant la décoration intérieure est supporté par des consoles sculptées. Une série de mascarons, apposés sur les pierres de taille encadrant les fenêtres du bâtiment central, peaufinent la décoration. Il semblerait que cette façade n'ait pas été remaniée depuis sa construction et, qu'ainsi, les sculptures soient d'origine.
Jusqu'à la Révolution française, de nombreuses peintures ornent les murs du château. Dans leur majorité, elles relatent la vie de Don Quichotte ou mettent en scène des personnages issus du Roman comique de Scarron. Depuis, la décoration intérieure du château a beaucoup évolué, mais quelques pièces conservent leurs ornements d'origine. C'est ainsi que l'on peut découvrir dans le petit cabinet attenant au bureau du maire un plafond peint, d'une grande élégance, témoin d'un passé luxueux. Cette œuvre, composée d'une partie centrale ornée d'un faux marbre, représente le char de Vénus attelé de colombes et dirigé par un Amour. Une série de cartouches aux attributs de la musique et des quatre saisons encadre le tableau principal. Les restaurations successives dont ce plafond a fait l'objet a permis de conserver les teintes originelles.
Lors de la construction du bâtiment, le châtelain fait installer neuf cheminées afin d'agrémenter mais surtout chauffer les pièces. Toutes semblables par la conception de leur chambranle en pierre, l'une d'entre elles se démarque. Il s'agit de la cheminée du rez-de-chaussée dotée d'un chambranle en marbre. Elle se trouve dans l'âtre du bureau du maire et a conservé sa taque foyère d'origine.
Plusieurs œuvres de ferronneries sont encore visibles dans le château. Au balcon de la façade donnant sur la Marne, déjà évoqué, s'ajoute la rampe de l'escalier monumental donnant accès au premier étage. Joli témoignage de la ferronnerie du XVIIe siècle, il a toutefois été remanié au XIXe. Le fer apparaît dans l'architecture de façon visible au milieu du XVIIe siècle. Ce matériau bénéficie alors d'un véritable engouement pour les rampes d'escalier et, surtout, les garde-corps des balcons qui permettent d'alléger les façades et de rendre les balustrades transparentes.
Le terme de ferronnerie n'apparaît qu'au XIXe siècle. Auparavant, on parle de serrurerie. Le ferronnier d'art étant un serrurier, hautement qualifié, capable de concevoir et d'exécuter des pièces présentant une certaine recherche artistique. Mais à partir du XVIIe siècle, le travail du fer va s'amplifier. Lors de la rénovation de l'abbaye de Saint-Denis, au XVIIIe siècle, le frère Denis, ferronnier de son état, réalise un important travail de ferronnerie avec l'exécution des grilles du chœur de la Basilique cathédrale, de la grille de clôture du cloître et des rampes des escaliers monumentaux dessinés par Robert Cotte.
Au début du XIXe siècle, le régime napoléonien encourageant l'expansion de la sidérurgie, le travail artisanal du fer forgé connaît un regain d'activité et la ferronnerie des siècles passés est remaniée ou restaurée. C'est le cas pour l'escalier monumental du château de Gournay mais aussi pour une porte intérieure en fer forgé, alliant avec harmonie droites et courbes, dont la restauration est due à la famille Nast à la fin du XIXe siècle. La plus belle pièce du genre se trouve dans le château des Cèdres à Montfermeil.
Après le décès de son épouse, Louis Ancelin se défait du château qui passe entre les mains de plusieurs propriétaires jusqu'à ce que le vice-amiral Claude Elysée de Court (1665-1752) l'acquiere. Les nombreux travaux de décoration intérieure que celui-ci entreprend et l'aménagement du parc laissent l'empreinte profonde de son passage. Après sa disparition, le château subit de nombreuses dégradations liées à l'installation dans ses murs d'une manufacture de transformation de soie de chardons en soie textile. Il est à nouveau endommagé pendant le conflit de 1870. Puis, la famille Nast acquiert la demeure et la transmet, par alliance, à Roger Ballu, le fils du célèbre architecte Théodore Ballu. Le fils de Roger, Guillaume Ballu, maire de Gournay de 1924 à 1942, vend le domaine à la municipalité en 1925. L'Hôtel-de-Ville est inscrit aux Monuments historiques depuis 1945.
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