La Seine-Saint-Denis compte plusieurs lieux de mémoire en lien avec la Seconde Guerre Mondiale. Parmi eux, la gare de Bobigny est désormais un Mémorial. Ce site historique est à découvrir au cours d'une visite instructive et émouvante (gratuit), pour comprendre et se rappeler ce qu'ont vécu les déportés qui ont transité par cette gare qui fut, avant ces tragiques événements, un lieu de transit de voyageurs et de marchandises.
18 janvier 2023 : ouverture au public du Mémorial de Bobigny après plusieurs années de travaux.
18 juillet 2023 : inauguration du site pour les 80 ans du départ du 1er convoi
L’entrée utilisée durant la guerre a été retrouvée et elle marque le passage de la vie urbaine vers le mémoriel de la gare. Un pavillon d’accueil a été créé et donnera les informations historiques du lieu.
L'Esplanade du présent dite également de "jardin" donne une vue globale depuis ce promontoire
L’Espace de mémoire comprend la halle des marchandises, les édicules, le bâtiment des voyageurs, les voies ferrées. Sur ce site mise en scène des 74 convois de déportation partis de France et le long des voies des 21 convois partis de Bobigny.
Sur ce site 75 stèles sont dressées à la mémoire de tous les convois de déportés juifs partis de France entre 1942 et 1944 vers les camps de la mort.
Divers espaces : Cour des témoins, Esplanade de la mémoire, Cour des marchandises
Le Passage à niveau : traversée piétonne entre l’Espace de la mémoire et le Jardin sauvage. Ce lieu sera dédié aux diverses manifestations organisées sur le site.
Le site de l'ancienne gare de déportation de Bobigny est ouvert du mercredi au dimanche. Entrée gratuite.
Horaires de 9h30 à 12h30 et de 14h à 17h
La visite s'effectue librement. Des audioguides, et/ou application à télécharger, sont disponibles sur place.
Des visites avec conférencier sont proposées par #ExploreParis (Seine-Saint-Denis tourisme) : 6€ plein tarif / 4€ (de 10 à 18 ans) / gratuit pour les moins de 10 ans.
(Ouverture des visites guidées début février 2023 - 1 visite guidée par week-end)
> Durée : 1h15 en moyenne - Visite en plein air.
Le rendez-vous est fixé sur le pont de chemin de fer - 69-151 avenue Henri Barbusse - Bobigny
Les groupes scolaires doivent contacter le Mémorial de la Shoah de Drancy pour organiser la visite sur le site de Bobigny : 01 42 77 44 72
Pour en savoir plus sur les différents lieux de mémoire en Seine-Saint-Denis
Contactez le Service Groupes (devis gratuit) ou groupes@tourisme93.com pour des demandes de visites proposées par le CSE, Club, Amicale, CCAS...
Une première halte sur la ligne de grande ceinture est construite à Bobigny à la fin du XIXe siècle. Elle est située dans une commune rurale et maraîchère qui, au début du XXe siècle, connait une forte croissance démographique et urbaine. Ainsi, à la demande des élus locaux, un bâtiment dit des voyageurs est construit à partir de 1928, en remplacement de la petite halte. Son architecture d’inspiration à la fois balnéaire et rationaliste est une réplique de trois gares situées sur la ligne Saintes-Royan en Charente-Maritime. Ce modèle sera également utilisé pour la construction des gares de Bry-sur-Marne, Neuilly-sur-Marne et Chenevière. Les étages supérieurs du bâtiment sont occupés par des logements de familles de cheminots tandis que le rez-de-chaussée accueille le bureau du chef de gare et la salle des pas perdus. Au début des années 1930, pour faire face aux besoins des entreprises situées à proximité, une gare de marchandises est créée. Des embranchements secondaires desservent notamment le fort militaire d’Aubervilliers et l’imprimerie du journal l’Illustration. À la fin des années 1930, le trafic des voyageurs étant insuffisant, la gare des voyageurs est fermée mais les cheminots continuent d’y loger.
C'est quelques années plus tard, sous l'Occupation allemande, que la gare de Bobigny sera remise en fonction. Jusque-là, les convois de déportés partent de la gare du Bourget. Plus commode d’un point de vue logistique, le gare de Bobigny est située à proximité du nœud ferroviaire de Noisy-le-Sec que les convois empruntent ou contournent pour rejoindre le réseau de l’Est. Cette gare est plus discrète et moins exposée aux risques de bombardement que la gare du Bourget. Ce déplacement du lieu de départ des convois vers Bobigny coïncide avec l’arrivée du SS Aloïs Brunner (qui fut lieutenant d’Eichmann) en juin 1943 à la tête du camp de Drancy. Il considère également le nouveau site de Bobigny comme plus pratique car les autobus peuvent accéder directement à la voie de chemin de fer et qu'il n'y a plus de voyageurs dans cette gare. Il décide que c'est d'ici que partiront désormais les convois de la "solution finale".
Juillet 1943 : La gare de Bobigny créée pour les voyageurs et les marchandises devient une gare de déportation.
Dès lors, la gare de Bobigny, jusque-là à l'abandon, servira de point de départ pour 21 convois de déportés juifs entre juillet 1943 et août 1944, soit 22 407 personnes (homme, femmes et enfants), tous enfermés dans des wagons à bestiaux plombés avec pour destination le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Entre Bobigny et Auschwitz-Birkenau il faut compter 53 h d'enfermement. Les villes se succèdent : Epernay, Châlons-sur-Marne, Bar-le-Duc, Metz, puis Sarrebruck, Mannheim, Dresde, Görlitz en Allemagne avant à Neisse, Coser, Katowice en Pologne et au terme du sinistre voyage, Auschwitz-Birkenau. Presque tous mourront, soit pendant le trajet, soit au camp.
En 1941, Hermann Göring autorise Reinhard Heydrich à entamer des préparatifs pour la mise en œuvre d'une "solution complète à la question juive", un plan d'extermination systématique des Juifs par gazage, par balles et par tous les moyens imaginables. "La solution finale" est en marche. Le camp d'Auschwitz-Birkenau (l y avait en réalité trois camps : Auschwitz I, Auschwitz II - Birkenau et Auschwitz III - Monowitz) jouera un rôle central dans le plan allemand d'extermination des Juifs d'Europe. C'est l'un des plus grands camps avec ses miradors, ses clôtures de fil de fer barbelé, ses chambres à gaz et ses fours crématoires.
Chaque convoi est composé de vingt à vingt-cinq wagons et transporte mille hommes, femmes et enfants juifs, soit cinquante personnes environ par wagon. Ils n'ont, pour se nourrir, que du pain et un peu d'eau. Une escorte de police nazie, venue d'Allemagne, est chargée de conduire les juifs inscrits sur la liste des déportés jusqu’au convoi formé en gare de Bobigny qu'ils escorteront.
Un seul convoi, le n° 73, ne prend pas la direction d’Auschwitz mais la direction de Kaunas en Lituanie et de Tallinn en Estonie. On ne connait toujours pas la raison de cette exception pour ce convoi uniquement d’hommes, dont seuls 22 ont survécu.
Le 31 juillet 1944 le dernier convoi quitte Bobigny avec près de 1 300 Juifs, dont 330 enfants. À quelques centaines de kilomètres de là les Alliés arrivent en Normandie à Avranches (50).
Le 17 août 1944, le SS Aloïs Brunner s'enfuit par le train depuis Bobigny avec 51 otages. Il se réfugie en Syrie où il devient conseiller du président Hafez el Assad et n'a jamais été retrouvé pour être jugé. Aloïs Brunner a été condamné à mort par contumace en France en 1954. En 1987, dans une interview accordée au Chicago Sun Times, il dit qu’il ne regrettait rien, nazi de la première heure, "[...]Je n’ai aucun regret et je le ferais encore". Des rumeurs font état de son décès en Syrie dans les années 90.
Après la guerre, trois plaques à la mémoire des cheminots résistants sont apposées sur le bâtiment des voyageurs, remplacées au début des années 90 par une plaque rendant hommage à la déportation des Juifs de France. Dans les années 50, le site est loué par la SNCF à un ferrailleur qui ne cessera son activité qu’en 2005, date à laquelle le site est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
La ville de Bobigny avec le soutien de nombreux partenaires au nombre desquels la SNCF et la Fondation pour la mémoire de la Shoah s'est engagée dans un projet qui vise à faire de la gare de Bobigny un lieu d'histoire et de mémoire. Cette gare est en effet l'un des rares lieux témoins de la déportation à avoir conservé son état d'origine. Ce projet vise à préserver ce patrimoine dans le respect de son authenticité en soulignant sa valeur historique et symbolique. La végétation en friche sur une partie de ce site industriel et ferroviaire est une des composantes de sa mise en scène. Les travaux ont duré 2 ans pour une ouverture au public début 2023.
Quelques extraits proviennent de l'étude "valorisation et mise en réseau des lieux de mémoire de l'internement et de la déportation en Seine-Seine-Denis", réalisée par Topographie de la mémoire (Anne Bourgon, Hermine de Saint-Albin et Thomas Fontaine).