Les activités liées à l’entretien du linge (lessivage, blanchissage, repassage) sont largement représentées en région parisienne depuis le XVIIIe siècle. Très tôt, les lois et les décrets visant l’existence et l’implantation d’établissements insalubres dans Paris poussent les industries du blanchissage à quitter la capitale pour s’installer dans les communes voisines.
Pendant plusieurs siècles, les lavandières parisiennes ont lavé le linge des habitants de la capitale sur les rives de la Seine. C’est en 1623 que le premier lavoir flottant est établi à Paris même, à bord d’un bateau amarré sur la Seine. Ce bateau-lavoir, la Sirène, propose déjà les appareils les plus perfectionnés de l’époque. Il a été détruit par les glaces durant les grands froids de 1830. Les lavoirs flottants sont pourvus de buanderies à partir de 1844 afin de lutter contre la forte concurrence des lavoirs publics et des grandes buanderies de banlieue qui ne cessent de se créer. Malgré cet effort, le nombre des bateaux-lavoirs parisiens est, dans la seconde moitié du XIXe siècle, en constante perte de vitesse au profit des lavoirs publics. En 1880, il y a en Ile-de-France, 64 bateaux-lavoirs offrant 3800 places de laveuses. Vingt-trois de ces lavoirs flottants sont à Paris même dont six sur le canal Saint-Martin et trente-cinq se répartissent en banlieue sur la Seine, la Marne et l’Oise. À la fin du XIXe siècle, la plupart de ces bateaux-lavoirs sont la propriété d’une seule famille en vertu d’un bail qui lui a été consenti, en 1892, par la Société du Canal Saint-Martin. Mais, les bateaux-lavoirs disparaissent inéluctablement dans la première moitié du XXe siècle.
Dès le début du XXe siècle, les lavoirs publics sont équipés d’un matériel perfectionné, correspondant à celui des buanderies-blanchisseries de la banlieue. Les blanchisseuses et les blanchisseurs utilisaient le coulage à la cendre. Le passage à la méthode industrialisée, notamment le coulage à la vapeur et l’utilisation de la force centrifuge pour l’essorage, n’atteint que progressivement les blanchisseries et, certaines, utilisent longtemps encore la méthode ancienne. Les progrès de l’introduction du machinisme industriel varie en fonction de la taille de l’entreprise, de l’importance de la clientèle et, parfois, de l’ingéniosité ou de l’esprit d’entreprise des patrons blanchisseurs. C’est le cas pour Théophile Leducq, fondateur de la blanchisserie Elis.
Théophile Leducq a l’idée d’acheter du linge et de le louer à de grands établissements. Dans un premier temps, il s’installe, en 1883, rue de Flandre à Paris. Le succès est rapide et, à la fin du siècle, Leducq loue à des hôtels, des bouchers, des coiffeurs et des restaurants du linge qu’il doit blanchir. Utilisant les nouvelles machines, la blanchisserie lave et repasse à la vapeur. Le terrain de la rue de Flandre est devenu trop exigu. Il lui faut s’agrandir. Leducq fait construire sa nouvelle usine sur un terrain en bordure du canal de l'Ourcq, à Pantin. Deux facteurs essentiels jouent un rôle important dans le choix de cette implantation. D’une part, une nappe phréatique peu profonde qui se trouve sous le site permet un approvisionnement aisé en eau chaude et douce. D’autre part, plusieurs entreprises de matériel industriel pour blanchisseries, comme des savonniers, des fabricants de lessive et de produits de nettoyage, en particulier, d’eau de javel, sont installés dans le secteur, facilitant l’approvisionnement en matières premières.
L’entreprise, reliée au chemin de fer tout proche, s’implante d’abord sur un terrain long et étroit, allant du canal à la rue du Débarcadère, d’un côté, et bordant l’ouest de la rue du Général-Compans, de l’autre. Mais la présence des Grands Moulins de Pantin freine son extension. D’autres bâtiments sont alors construits sur un terrain situé face au premier, à l’est de la rue du Général-Compans. En 1900, quinze tonnes de linge sont traitées dans la buanderie Leducq et livrées à l’aide de quinze voitures. Trois cent cinquante personnes y travaillent. En 1903, Maurice Leducq, le fils de Théophile, reprend la direction de l’entreprise. Il appartient à la génération des patrons philanthropes et fait construire deux ensembles de logements pour ses ouvriers, de part et d’autre de la rue du Général-Compans.
En 1936, Leducq tente de lancer le lavage au poids, mais la guerre ralentit son activité et ce n’est qu’après la Libération que ce système rencontre un véritable succès. Malheureusement pour l’entreprise, l’essor de la machine à laver et son entrée massive dans les foyers l’obligent à se réorienter vers la location de linge. Maurice Leducq meurt en 1947 et ses héritiers créent, vingt ans plus tard, en 1967, le Groupement d’Intérêt Economique Elis, qui regroupe plusieurs unités en France. À cette date, 814 employés travaillent sur le site de Pantin. Ils ne sont plus que 465 personnes en 1997. Toujours en activité, Elis travaille aujourd’hui avec des entreprises et des collectivités dans le cadre de location de linge, vêtements de travail et produits d’hygiène. L’entreprise, qui appartient désormais au groupe Eurazeo, est présente dans de nombreux pays européens et emploie environ 12 000 salariés répartis sur ses 140 sites.
Figure industrielle de la vie pantinoise, la famille Leducq est également reconnue localement pour son investissement dans la réalisation et la gestion de l'habitat populaire.
En 2012, les 300 salariés de Pantin ont déménagé à 1,5 km de là, dans un bâtiment de 14 000 m2 situé juste en face des anciens entrepôts des douanes, qui ont été réhabilités pour accueillir BETC en 2016. Afin de garder une trace de ce patrimoine industriel dont la façade était classée, la grande cheminée d'où sortait des volutes de vapeur d'eau, visibles de loin a été conservée. Cependant, pour des raisons de sécurité, la cheminée a été détruite en février 2016 car elle menaçait de s'écrouler. Les bâtiments sont transformés pour faire du logement, des commerces et 12000 m2 de bureaux qui devraient servir d'extension aux salariés de BP2S, la filiale de BNP Paribas, qui s'est installée aux Grands Moulins en 2009.