En 1947, la France se relève difficilement de la guerre. Le blocage des prix n’incite pas à l’investissement dans la pierre, les immeubles ne sont plus entretenus et les taudis réapparaissent. Comme le fait remarquer Eugène Claudius-Petit, le ministre de la Reconstruction, ce n'est pas de "re construction" dont il s’agit, mais bien de construction.
Pour parer au plus pressé, l'État instaure une politique nationale du baraquement. On importe les baraques préfabriquées des États-Unis, du Canada, de Suisse, de Grande-Bretagne, de Suède. Dans un premier temps, ce sont les prisonniers allemands qui les construisent. Leur libération, imposée par les États-Unis en contrepartie de l’aide Marschall, amène Madame Poinsot-Chapuis, la ministre de la santé, à prendre une décision lourde de conséquences : ils seront remplacés par des travailleurs que l’on fera venir d’Afrique du nord.
Des cités dites « de transit » poussent ici et là. Aux baraquements, on ajoute parfois des « maisons de transition », constructions plus solides, montées avec des matériaux composites, à l’aspect rapidement proche de celui du bidonville. Souvent, les fonctionnaires y sont prioritaires. Agrémentés d’un jardinet et d’un poulailler, ces baraquements, où une sociabilité importante s’établit, seront abandonnés avec regret par leurs occupants.
Certaines d’entre elles, entretenues ou réhabilitées font toujours le bonheur de leurs habitants. C'est le cas pour les deux chantiers expérimentaux situés à Noisy-le-Sec. Le premier « la cité expérimentale de Merlan », implanté de part et d'autre de l'avenue du Général Leclerc, est composé de 56 maisons préfabriquées dont 25 issues de pays étrangers (USA, Angleterre, Suède...). Le second dont l'exécution a été confiée aux architectes P. Nelson, C. Sébillotte et R. Gilbert est situé près de la gare et porte sur des immeubles collectifs. Ces deux chantiers à l'initiative du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme s'inscrivent dans le plan de la reconstruction de la ville, détruite à 75% par les bombardements de 1944 » et visent à expérimenter et à comparer des procédés constructifs différents.
En août 1944, un prêtre-ouvrier de Bordeaux, indigné par les conditions de logement des travailleurs, lance une idée : « Sur le terrain professionnel, les travailleurs ont à leur disposition des moyens d’action importantes et efficaces. L’injustice y est fréquente (…) mais on y est organisé dans les syndicats. Par contre, sur le plan du logement, la situation est toute différente (…) parce que l’on n’est pas organisé. Si les mal-logés attendent que la collectivité leur construise des maisons, ils attendront longtemps. Mais si les mal-logés décident de construire eux-mêmes leur maison, ça risque d’aller plus vite. » Le principe des auto-constructeurs, les futurs « Castors », était né.
Pour faire face à la pénurie de logements après-guerre, un mouvement original d’auto-construction est né en France dès 1947. Surnommées "Les Castors", ces personnes mal logées se regroupent dans des coopératives afin de construire leur propre logement.
Pour être admis comme adhérent au Comité Ouvrier du Logement, association constituée pour l’acquisition du terrain, le futur Castor doit avoir des ressources trop réduites pour adhérer à une société coopérative d’H.L.M., s’engager à faire preuve d’esprit coopératif et de solidarité vis-à-vis des autres adhérents, s’engager également à fournir un apport personnel de travail pendant toute la durée de la construction du groupe d’habitations. Le principe du financement est progressif et s’obtient à mesure de l’avancement des travaux. Souvent, les Castors s’organisent afin d’obtenir graduellement ces crédits. Ainsi, dans le cas d’une cité de pavillons, il n’est pas rare que, le premier sous-sol monté, on demande pour continuer de monter la maison les crédits qui, en fait, serviront à acheter le matériel pour le sous-sol de la deuxième maison. Ainsi de suite jusqu’à la dernière dont les crédits obtenus permettront de poursuivre les travaux de la première.
Le beau rêve des Castors se révèle vite utopique et les dérives se révèlent au fil des constructions. Pourtant, grâce à ce système, un certain nombre de cités d’auto-constructeurs ont pu voir le jour en France. Ainsi, en 1949, à Montreuil-sous-Bois, soixante-dix-huit personnes décident d’unir leurs efforts et de construire ensemble leur habitation. La société anonyme, « Clair Logis », se crée et obtient de la mairie un terrain dans le quartier des Ruffins. En 1951, le chantier démarre.
A Montreuil, en 1949, l’association « Clair Logis » obtient de la mairie un terrain dans le quartier des Ruffins. Un chantier de 78 logements commence alors dès 1951. L’implication personnelle des adhérents dans la construction a permis d’inaugurer le projet en 1954.
Les Castors de Clair Logis fournissent chacun quarante heures de travail par mois, réparties le soir et le week-end, auxquelles s’ajoutent deux semaines de leurs congés payés et une garde de nuit tous les trente-neuf jours. Deux ans plus tard, les premiers Castors emménagent. Montreuil est la deuxième expérience de Castors en France, après la très célèbre cité de Pessac, en Gironde. La cité castor de Montreuil-sous-Bois est constituée d’immeubles collectifs de deux ou trois niveaux. Parmi les premières, l’expérience montreuilloise n’a pas eu à souffrir des avatars qui ont affligé les suivantes : ses Castors n’ont pas fait appel à des entreprises et ont fonctionné en régie directe, c’est-à-dire que pour les travaux difficiles, c’est Clair Logis qui embauchait des ouvriers du bâtiment et achetait directement les matériaux, grâce aux prêts consentis à titre collectif. La cité des Castors de Montreuil se trouve rue Yves-Farge dans le quartier des Ruffins.