Après la guerre de 1914-1918, la banlieue se transforme et les communes rurales s’urbanisent, plus ou moins vite selon le rythme de leur industrialisation, mais d’une manière certaine. Si le nombre d’habitants reste stable durant l’entre-deux-guerres, d’importants mouvements migratoires entraînent des bouleversements démographiques. En 1931, pour la première fois, la population urbaine dépasse la population rurale. Les villes explosent et les nouveaux venus manquent de toits. De 1906 à 1946, la population de l’actuel département de Seine-Saint-Denis a doublé avec respectivement 349 545 et 730 361 habitants. Du point de vue architectural, la fin des années 1920 et les années 1930 se caractérisent par des positions très diverses.
Durant l’entre-deux-guerres, plusieurs tendances architecturales cohabitent. D’un côté, les architectes les plus traditionnels persévèrent dans la veine éclectique, auteurs de bâtiments que l’on pourrait croire appartenir au XIXe siècle comme cet immeuble construit en 1925 par B. Lhotelier, 74 boulevard Jean-Jaurès à Saint-Ouen, cet autre réalisé par R. Tanalias en 1930, 194 rue de Paris aux Lilas ou à Montreuil, 66 rue Edouard-Vaillant, en 1928 et 233-235 boulevard Aristide-Briand en 1936.
D’autre part, l’architecture symbolique des années 1930, celle des lignes pures et de la brique rouge, est présente un peu partout dans nos villes. Souvent plus radicale lorsqu’elle s’applique aux équipements, elle n’en demeure pas moins l’architecture des H.B.M., comme à Bagnolet, 213 rue Sadi-Carnot. Dans cet immeuble, construit après 1930, les fenêtres octogonales possèdent une particularité avec leur fresque sculptée dans la pierre et ornant les balcons. À Bondy, cinq ans après l’adhésion (en 1928) de la commune à l’Office Public d’Habitations à Bon Marché, la Ville fait construire en 1933, 2 place Albert Thomas, son premier ensemble de logements sociaux. Des panneaux blancs et des balcons ajourés (par la présence de garde-manger) rythment la façade de briques rouges tandis que les fenêtres décalées des cages d’escalier brisent l’alignement des ouvertures. Dans l’un des bâtiments de la cité, l’architecte Stoskopff a aménagé une chapelle moderne.
La cité L’Esguillez, construite en 1932 rue Normandie-Niemen à Dugny, s’inscrit dans le programme des constructions d’urgence de l’entre-deux-guerres. Située dans un environnement naturel agréable, elle bénéficiait, lors de sa construction, de la proximité de la cité-jardin aujourd’hui disparue. L’uniformité de sa façade est brisée par les ouvertures en redan éclairant les cages d’escaliers. À Gournay-sur-Marne, l’immeuble édifié au 5 avenue du Maréchal Joffre, vers 1930, allie le béton et la brique rouge. Ce bâtiment aux lignes très symétriques est dominé par un corps central surmonté d’un fronton décoré de céramique.
Quant aux modernes, refusant toute citation stylistique, ils s’inscrivent dans le sillage des deux grands maîtres de l’époque : Auguste Perret (1874-1954) et Le Corbusier (1887-1965). Le premier construit l’église Notre-Dame du Raincy, premier édifice religieux en béton, tandis que le second inspire les architectes qui réalisent des bâtiments s’inscrivant dans le mouvement moderniste comme l’Hôtel de Ville du Bourget (en 1936), les H.B.M. de la rue d’Avron à Villemomble (en 1933), et tout particulièrement, la mairie du Blanc-Mesnil (en 1938).
Plusieurs Hôtels de Ville construits durant l’entre-deux-guerres constituent des bâtiments particulièrement remarquables. Le projet de celui construit au Blanc-Mesnil est présenté en 1938. Élaboré par les architectes André Lurçat (1894-1970) et Michaud, à l’heure de gloire du bateau Normandie, il évoque un paquebot par son horizontalité et sa blancheur. Nous retrouvons ces références à la splendeur des paquebots de luxe dans la conception de la cité du Pont-Yblon à Dugny et de la Résidence Germain-Dorel au Bourget, l’une et l’autre réalisées par l’architecte Germain Dorel, ainsi que dans certaines décorations du hall de l’aérogare du Bourget selon le projet de Georges Labro. Particulièrement précurseur, l’Hôtel de Ville du Blanc-Mesnil participe du mouvement moderniste.
Un courant de l’Art déco, que certains ont qualifié de bolchévique, confirme son esthétique à l’occasion de l’Exposition universelle qui se tient à Paris en 1937. Deux exemples en témoignent en Seine-Saint-Denis : l’Hôtel de Ville de Montreuil, construit en 1935, et le Palais des Fêtes, installé à Romainville en 1939, et qui était, en fait, le pavillon de la Pologne à l’Exposition universelle de 1937.