La seconde guerre mondiale interrompt la réflexion menée durant l’entre-deux-guerres pour lutter contre les taudis et contribue à la ruine de l’habitat avec 400 000 logements détruits et 1,5 million d’autres endommagés. Les taudis réapparaissent et la reconstruction s’organise.
Après la politique du baraquement et des cités de transit comme celles que l’on peut encore voir à Noisy-le-Sec, il faut attendre 1953 pour que le Plan Courant, du nom de son initiateur, donne enfin réellement la priorité à la construction du logement. Il était temps ! Quelques mois plus tard, un fait divers bouleverse la France entière. Le 4 janvier 1954, un enfant qui vit avec sa famille dans une roulotte meurt de froid durant la nuit. L’abbé Pierre lance son appel fameux et, face à l’ampleur de la pénurie, l’opinion publique se mobilise massivement.
C’est cette même année que sort de terre l’une des toutes premières cités de logements sociaux de Bobigny, la cité de l’Etoile-Emmaüs, édifiée par la compagnie de l’abbé Pierre. L’arrivée à Bobigny au début du XXe siècle d’une importante population ouvrière à la recherche d’un logement avait entraîné dans son sillage un cortège de lotisseurs et de spéculateurs souvent véreux. Ironie de la situation : la première société de lotissements qui s’installent dans la ville en 1901 se nomme La Conscience ! Installés sur le sol marécageux balbynien, les premiers arrivants vivent dans des conditions épouvantables. La cité édifiée en 1954 par la compagnie Emmaüs est la toute première construite dans la volonté d’une évolution plus structurée de l’urbanisme de la commune. Elle est malheureusement laissée sans entretien durant plusieurs années. Très dégradée, elle a été réhabilitée en 1986.
En 1950, les H.B.M. (Habitations à Bon Marché) deviennent les H.L.M. (Habitations à Loyers Modérés), mais les mal-logés continuent d’attendre. Les premières cités, à dimensions humaines qui ne sont pas encore tout à fait les grands ensembles conçus dans la décennie suivante, ébauchent le nouveau paysage de la banlieue, comme la cité des 800 logements à Aubervilliers.
L’architecte André Lurçat (1894-1970) conçoit, en 1950, la cité Victor-Hugo au Blanc-Mesnil. Les bâtiments cubiques, répartis symétriquement de part et d’autre d’une vaste pelouse en forme de flèche, abritent 238 logements. Le parc triangulaire est fermé d’une large barre d’habitations dont la façade symétrique est ponctuée de modules en avancées qui créent une animation de sa surface.
Le même architecte réalise, en 1953, la cité Paul-Langevin à Saint-Denis. André Lurçat a fait ses études à Nancy dans l’atelier du peintre Victor Prouvé puis, à Paris, à l’école des Beaux-Arts. Grâce à l’appui de son frère Jean Lurçat, le célèbre peintre, André se voit confier la commande d’un ensemble de maisons d’artistes parisiens qu’il réalise en 1926 à la villa Seurat, bâtiment moderne aux arêtes vives et aux percements géométriques. C’est à Saint-Denis que, pour la première fois, il tente de mettre en œuvre ses réflexions sur le logement à bon marché, déjà formulées dans les années 1920, à savoir une conception globale du quartier, du logement et de l’équipement. Avec la cité Paul-Langevin, il propose de réaliser un quartier pensé comme « l’unité constitutive d’une ville ».
Le Plan Courant de 1953 fait adopter plusieurs mesures permettant à l’Etat et aux constructeurs d’augmenter leurs capacités d’intervention. Pour atteindre son objectif de construction de 240 000 logements par an, Pierre Courant favorise le lancement de chantiers de grandes tailles et la recherche de procédés industrialisés appliqués à la construction. Le plus représentatif de ces grands chantiers est celui de Sarcelles, entrepris en 1955, qui demeure le symbole des premiers grands ensembles.
Au cours de ces années, la mobilisation générale répond à un seul objectif : livrer rapidement de nouveaux logements pour sortir les familles des taudis surpeuplés et insalubres, voire des bidonvilles dans lesquels elles sont logées.
La priorité étant de leur offrir dans des délais très courts des logements sains et confortables, il faut construire vite, beaucoup et bon marché. Pour cela, il faut rationaliser et standardiser les procédés d’architecture. Parmi ces procédés, le principe de la technique dite « du chemin de grue » est très vite adopté. Il s’agit d’utiliser une voie ferrée sur laquelle roule la grue qui élève les composants, permettant ainsi de disposer de part et d’autre des rails plusieurs immeubles rectilignes. Gain de manutention, gain de temps, c’est la naissance « des barres » qui transforment radicalement le paysage de la banlieue.
À Noisy-le-Sec, la cité des Aviateurs est construite entre 1955 et 1960. Cette barre d’H.L.M. qui alliait rapidité d’exécution et économie de moyen est le prototype de la plupart des cités de la banlieue de cette époque. Le même principe est utilisé pour la cité Paul-Vaillant-Couturier, à Drancy, construite dans l’urgence, en 1957 et 1958.
Voir également : la Cité de Merlan à Noisy-le-Sec