Quelque peu ralentie dans les années 1920, la production scolaire connaît un nouveau souffle dans la décennie suivante. Face à Paris, la banlieue devient le territoire incontesté de l'école moderne qui y fait ses premières armes, en collaboration avec des municipalités progressistes favorables au mouvement d'avant-garde.
Collège Denis-Diderot à Aubervilliers (ancien groupe scolaire Paul-Doumer construit en 1934) © Marie-Françoise Laborde - Département de la Seine-Saint-Denis
L’architecture moderne se diffuse dans l’architecture scolaire où toits-terrasses, larges fenêtres, ossature en béton armé et briques claires sont de mise, rendant les bâtiments scolaires reconnaissables entre tous. Ces écoles des années trente sont nombreuses dans le département. Voyez pour l'exemple l'école Paul-Doumer à Aubervilliers. Réalisé en 1935 par l’architecte Robert Boudier, ce groupe scolaire est typique des grands établissements scolaires d’avant-guerre. Construit tout en brique, il est surélevé d’un étage percé de larges baies vitrées. Des bas-reliefs allégoriques, figurant diverses situations d’apprentissage, rythment sa façade.
Pour résoudre son problème de sureffectif dans les cours complémentaires, la municipalité des Lilas décide, en 1928, d’ajouter six nouvelles classes au groupe scolaire du Centre. Mais, à l’exception de deux bâtiments, l’établissement est entièrement détruit et reconstruit en 1934. Devenue l’école Romain-Rolland, elle abrite dix-huit classes de filles, une école maternelle et un gymnase. Sa réalisation en brique ocre lui confère une certaine élégance. L’école a été inaugurée en 1935 sous la présidence de Pierre Laval, maire d’Aubervilliers et Président du Conseil.
Au Pré-Saint-Gervais, le groupe scolaire Jean-Jaurès a été édifié pour scolariser les enfants de la cité-jardin. Réalisé pour recevoir une école de filles et une de garçons, il est l’œuvre de Félix Dumail, le même architecte que pour la cité-Jardin et aussi celle des Pommiers à Pantin. En 1958, un étage a été ajouté sur les anciennes terrasses en plein air du bâtiment originel afin d’ouvrir des classes supplémentaires.
Le groupe Charcot-Barbusse, à Romainville, conçu par l’architecte André Bérard, participe également de cette architecture caractéristique des années trente. Grand bâtiment construit en briques rouges, l’entrée est surmontée d’un bas-relief sculpté par Rondest. Sa façade est ornée d’une rotonde qui marque la séparation entre l’école des filles et l’école des garçons. Il a été inauguré en 1939, à la veille de la guerre, et a été endommagé lors du bombardement du fort de Noisy-le-Sec en avril 1944.
Dès après la Première Guerre mondiale, le flux des ouvriers arrivant à Bagnolet pour y trouver du travail provoque une crise du logement dans la ville mais aussi une crise des équipements publics. Afin de désengorger l’école du Centre, un nouveau groupe scolaire est projeté par la nouvelle municipalité communiste de 1928. Le bâtiment est construit dans le quartier du Plateau, non loin de la cité-jardin. Réalisé tout en brique et en verre par l’architecte communal Delacroix, rue Sadi-Carnot, l’ensemble comprend une école de filles, une école de garçons et une maternelle. Lors de son inauguration, en 1931, les baraques en bois faisant office d’école dans le lotissement du Plateau sont détruites.
C’est le conseil municipal communiste qui a décidé du nom du groupe scolaire afin de valoriser l’effort et le travail. Sur les pignons de la façade, un ensemble sculpté représente un forgeron muni de son marteau et une paysanne tenant une faucille à la main. Dans le jardin intérieur de l’école maternelle, il est possible d’admirer une céramique dans les tons verts et bleus. L’ensemble a été récemment réhabilité, grâce à un financement du Conseil général, par l’architecte péruvienne Veneta-Charlandjiva.
Face à la réalisation de la municipalité communiste, l'Église catholique répond et fait construire l’école Regina Pacis, en 1930, une école privée réalisée grâce aux dons de dames patronnesses parisiennes. Lors de sa fondation, cette école privée (mais laïque) ne reçoit que les tout petits. En 1940, l’école ouvre des classes primaires élémentaires et supérieures. À l’origine, Regina Pacis est un bâtiment caractéristique des années trente. Puis il a été rehaussé avant d’être restructuré en 1994 par l’architecte Henri Milhau.
L'architecture scolaire connaît ensuite un profond "creux de vague" durant une trentaine d'années. Seule la reconstruction des années 1950 édifie un certain nombre de bâtiments plutôt modernistes comme le collège Jacques-Prévert (1950) à Noisy-le-Sec, reconstruction de l’ancienne école des filles qui avait été très endommagée par les bombardements d’avril 1944.
Le Raincy accueille en 1945 une annexe du Lycée Charlemagne de Paris. En 1952, la municipalité entreprend son extension et crée de nouvelles classes. Des bâtiments provisoires sont installés en attendant la construction du nouveau lycée qui débute fin 1953, le premier coup de pioche étant donné en janvier 1954. La réalisation du bâtiment sur un terrain trop meuble oblige à une structure sur pilotis, les piliers étant implantés à plus de dix mètres de profondeur. L’architecte Petit dirige les travaux de cet édifice compacte à la façade décorée de céramiques jaunes. Le lycée Albert-Schweitzer est inauguré en janvier 1956.
La construction d’habitats sociaux à Romainville dans les années 1950 incite la municipalité à réaliser un nouveau groupe scolaire, Paul-Langevin, rue des Chanteloups en 1956, et l’école Danielle-Casanova, avenue de Verdun (en 1955). Celle-ci est construite par André Bérard, l’architecte ayant déjà réalisé le groupe scolaire Charcot-barbusse en 1939.
Enfin, chef-d’œuvre de la modernité, le groupe scolaire André-Diez, en béton armé, construit par André Lurçat, à Saint-Denis, en 1952. Influencé par Alfred Loos, représentant du "style international" avec Le Corbusier et Mallet Stevens, André Lurçat s’affirme résolument moderne dans ses constructions. Il se fait remarquer en 1924 avec la villa Lurçat à Paris, puis des réalisations comme le groupe scolaire Karl-Marx à Villejuif en 1931-1933.
Lurçat participe activement à la reconstruction de l’après-guerre en France avec de nombreuses cités d’habitations collectives à Saint-Denis, le Blanc-Mesnil, Villejuif et, surtout, la reconstruction de Maubeuge. Il est notamment l’auteur de l’hôtel-de-ville de Blanc-Mesnil, élaboré en 1938, à l’heure de gloire du paquebot Normandie que ce bâtiment évoque, des ateliers municipaux, de la cité Victor-Hugo et du stade municipal Jean-Bouin dans cette même ville. À Saint-Denis, André Lurçat construit la cité Paul-Langevin et le groupe scolaire André-Diez destiné à recevoir les enfants de la cité. Le bâtiment présente une grande symétrie dans ses formes, le préau seul dominant un ensemble répétitif. Les ossatures porteuses sont en béton armé, de forts encadrements soulignent les baies, tandis que la simplicité des motifs géométriques renforce la solennité de cette grande forme symétrique.
Pendant les années 1960, la production s'oriente de façon assez systématique vers des surélévations d'édifices déjà existants, faute de terrains disponibles, l'ordre du jour étant plutôt à la construction de logements. Dans le paysage de tours et de barres qui se constitue alors, l'école, réduite à une échelle presque lilliputienne, se transforme en un motif ornemental.
C'est grâce au retour à des règles conventionnelles d'urbanisme que la mutation s'opère durant les années 1980. Les architectes de renom ne rechignent pas à se lancer dans des opérations d'architecture scolaire, créant pour celle-ci une renaissance incontestable durant la dernière décennie. Les œuvres réalisées depuis donnent à lire les tendances de la mode au même titre que les réalisations de logements qui leur sont contemporaines. C'est le cas notamment pour les collèges Elsa Triolet à Saint-Denis (Porro), Pierre-Sémard à Bobigny (Buczkowska), Colonel-Fabien à Montreuil (Porro et De la Noue), Anatole-France à Drancy (Lamour et Marchant), Paul-Painlevé à Villetaneuse en 1994 ou Pablo-Neruda à Pierrefitte (Bical, Courcier et Martinelli).