FLÂNERIES est un fanzine de voyage féministe made in Seine-Saint-Denis. Paule-Élise, cofondatrice, nous parle de cette revue, de micro édition, de féminisme et de voyage.
Visuels par Justine Veillard.
Bonjour Paule-Élise. Peux-tu présenter ce projet de fanzine de voyage féministe : sa genèse, sa réalisation et son fonctionnement ?
FLÂNERIES est une revue/un fanzine de voyage avec un angle féministe. C’est un tout jeune projet, puisque le premier numéro, intitulé "Voyager ensemble", est sorti en janvier 2024. Notre deuxième numéro est en cours de préparation et il aura pour thème "À table !".
Nous sommes une équipe de sept personnes âgées de 30 à 45 ans, ayant des parcours personnels, professionnels et militants variés. Nous nous sommes réunies autour de notre passion pour le voyage, l’écriture et l’engagement féministe. Chaque numéro a un thème spécifique qui est choisi collégialement. Puis nous lançons un appel à contributions ouvert largement. Ensuite, nous sélectionnons les contributions qui nous correspondent le mieux et nous faisons le travail éditorial pour que ça soit un objet spécial, à la fois dans le contenu et dans la forme.
Nous avons choisi un statut associatif et le modèle économique est celui des précommandes. Cela nous permet de ne pas avancer d’argent pour payer l’impression.
Soutenir la revue féministe Flâneries
Pourquoi avoir préféré le récit de voyage au guide de voyage ?
Il existe déjà quelques initiatives de guides de voyage féministes / au féminin, aussi bien en ligne qu’en version papier (l’association La Guide de voyage a édité un guide de Paris féministe, par exemple). C’est un format complètement différent. Dans l’équipe de FLÂNERIES, on est passionnées par l’écriture et l’art en général et, ce qu’on veut, c’est donc promouvoir des voix créatives sur le voyage, dans des genres variés : le récit, mais aussi la poésie, la fiction, la BD, le dessin, la photo…
As-tu une expérience de voyage qui illustre ce point de vue ?
Il y a beaucoup de façon de voyager ou de raconter le voyage avec un point de vue féministe. Pour moi qui suis passionnée par le matrimoine, cela passe par exemple par le fait de visiter des lieux liés aux femmes artistes. Visiter la maison de Virginia Woolf en Angleterre ou le village d’Ella Maillart en Suisse… ces femmes-là sont des boussoles pour moi. Pour d’autres, ça peut être de voyager à l’occasion d’un festival militant ou d’une Pride, de partir entre copines ou de s’octroyer le temps de faire un dessin un prenant un café seule dans une ville inconnue…
En quoi le point de vue féministe est-il important en matière de voyage ?
Pour raconter le voyage, comme dans tant d’autres domaines, les voix les plus connues et partagées sont celles des hommes. Pourtant, comme le dit Lucie Azema dans son livre Les femmes aussi sont du voyage, les hommes qui voyagent n’ont pas accès à tous les espaces puisqu’ils ne sont pas admis dans les espaces uniquement féminins, là où une femme a accès aux espaces féminins, mais aussi masculins. Lucie Azema constate qu’il y a donc toute une partie du monde qui n’est pas racontée dans les récits de voyage traditionnels, qui sont pourtant présentés comme objectifs, universels. C’est une lacune immense, et nous essayons d’apporter nos petits grains de sable dans la grande plage des histoires manquantes.
Beaucoup de textes de FLÂNERIES parlent plus de voyages intérieurs que de voyages "réels". N’est-ce pas contradictoire pour une revue féministe de présenter le rapport au monde des femmes comme tourné plutôt vers l’intérieur (la maison, l’intimité, l’introspection) que vers l’extérieur, territoire considéré comme plus masculin ?
C’est une question très intéressante et d’ailleurs nous ne partageons pas toujours les mêmes orientations au sein de l’équipe. Mais disons que les récits de voyage traditionnels se présentent souvent comme objectifs, avec une prétention à l’universel, alors que cela n’existe pas. En effet, on parle toujours depuis quelque part, on raconte le monde à travers nos propres lunettes, qui sont conditionnées par un grand nombre de facteurs. La notion du point de vue est donc centrale. Raconter le monde d’un point de vue féministe, cela peut être justement se réapproprier sa subjectivité et assumer un type de récit qui a beaucoup été dévalorisé ou silencié.
Par ailleurs, le voyage est une source de transformation intérieure, et c’est intéressant de raconter ces mouvements entre l’extérieur et l’intérieur. À une époque où la notion d’aventure est toute relative puisque l’accès au voyage s’est largement démocratisé, ce sont peut-être ces territoires-là qui restent encore à explorer.
Et puis à FLÂNERIES on est une team d’introverties, alors c’est sans doute logique que ça se ressente dans nos choix éditoriaux !
Quels conseils donneriez-vous à des femmes qui aspirent à se lancer dans un projet comme le vôtre ?
Je dirais d'abord deux choses contradictoires, qui correspondent sans doute à mon caractère, car je suis passionnée mais aussi avec les pieds sur terre. La première c'est d'écouter son intuition, sa petite voix intérieure qui sait mieux que personne pourquoi cette idée-là doit voir le jour et pourquoi c'est vital pour vous de le faire. Ça, c'est la flamme qui va tout porter, même dans les moments difficiles. La deuxième, c'est d'avoir une idée de la faisabilité du projet, et ça veut dire se renseigner, prendre des contacts, rencontrer, écouter, réfléchir. FLANERIES, c'est une revue qui fait une centaine de pages, c'est un boulot énorme qui demande beaucoup d'organisation, de coordination et de communication.
La troisième chose, qui est essentielle, c'est de travailler collectivement. J'avais envie de créer cette revue de voyage féministe et je me sentais capable de la porter, de la faire vivre, mais il y a des tas de compétences que je n'avais pas. Je n'avais pas d'expérience dans l'édition ou l'imprimerie, par exemple. J'ai donc tout de suite cherché à créer une équipe, et c'est vraiment la somme de toutes les personnes qui travaillent pour FLANERIES qui fait que cet objet est si spécial. Son titre, son format, son contenu... tout cela vient des idées des unes et des autres, c'est un vrai travail collectif, et on peut être fières de ça aussi.
Quelles actions concrètes souhaiteriez-vous voir mettre en place dans les prochaines années sur l'égalité hommes/femmes ? Quel chemin reste-t-il à parcourir ?
Dans la période actuelle où l'on s'aperçoit qu'aucun droit n'est acquis, il faut déjà consolider ce qui existe. Du point de vue d'une petite association féministe, il y a bien sûr la question des subventions qui est importante. On sait que les budgets locaux sont sabrés, et cela impacte considérablement le milieu associatif, qui pourtant joue un rôle clé dans nos villes, dans nos sociétés, dans nos communautés. Cela nous fragilise.
Quant au chemin qui reste à parcourir, il y a tant à faire ! Déjà, que les hommes s'intéressent au féminisme et aux questions de genre, ça serait un bon début. Qu'ils lisent FLANERIES, par exemple, au lieu de l'acheter pour leur copine ou pour leur mère ! On n'y arrivera pas sans une prise de conscience massive de leur part. Donc allez, au boulot les gars !
Pourquoi avoir choisi le thème de la nourriture pour Flâneries #2 ?
C’était venu de manière assez évidente, vu que nous sommes plutôt gourmandes au sein de l’équipe. Découvrir de nouvelles saveurs, c’est quelque chose qu’on aime faire en voyage. Et puis on s’est dit qu’il y avait beaucoup de sujets connexes autour de la nourriture. Certaines contributions que nous avons choisies parlent ainsi du rapport à la culture de la famille ou de l’enfance à travers certains plats emblématiques. D’autres évoquent les rencontres que l’on faits grâce à la nourriture, car cette dernière permet de se connecter avec d’autres personnes même si on ne parle pas la même langue. Enfin, plusieurs textes abordent les troubles des conduites alimentaires, un sujet essentiel quand on sait que ces troubles concernent très majoritairement des femmes.
Peux-tu faire un bilan des débuts de Flâneries et indiquer les perspectives et envies pour la suite ?
FLANERIES #1 est sorti en janvier 2024 et il a reçu un très bon accueil ! Nous l’avons imprimé à plus de 200 exemplaires. La version papier est épuisée, c’est donc devenu un objet collector. C’est pour cela que les préventes sont importantes, car nous n’avons actuellement pas de fonds pour imprimer plus d’exemplaires que ceux qui sont précommandés.
Notre deuxième numéro est sorti à la fin de l’année 2024. Pour la suite, nous avons une liste longue comme le bras de thèmes à proposer, à la fois pour des numéros et pour des hors-séries.
En plus de la revue, nous aimons aller à la rencontre de notre lectorat, que ce soit par des soirées lectures, des ateliers d’écriture ou des clubs lecture en ligne. Vous pouvez retrouver notre actualité sur le compte compte Instagram de Flâneries ou en vous abonnant à la newsletter.
Quels sont les liens entre le projet et la Seine-Saint-Denis ?
L’association FLÂNERIES est basée à Romainville et nous avons fait le choix d’imprimer le plus localement possible en travaillant avec La Martiennerie, un duo de designers graphiques et imprimeur.euses en risographie qui travaille à l’Usine des transitions, un ancien site industriel à cheval sur Romainville et Noisy-le-Sec. Même si on aime voyager, c’est important d’avoir un ancrage local !
Quelles sont les bonnes adresses de l’équipe de Flâneries dans le 93 ? (librairies, lieu d’expo, de sorties et bien sûr restaurants…)
Une librairie : À la marge, à Montreuil, où nous avons fait le lancement de notre premier numéro. Julie et Fanny ont ouvert ce lieu en 2023 dans le quartier de Robespierre, elles sont super sympas et accueillantes ! Leur programmation de lectures et de rencontres est incroyable et très engagée.
Un restaurant : les Cheffes, à la Cité Maraichère à Romainville, une équipe de trois femmes qui proposent une carte saisonnière et en circuit court.
Un café culturel : Marguerite Charlie, à Saint-Denis, pour l’ambiance vintage, les expos, le brunch à prix doux et les événements sympas.
Pour s’aérer : la balade en vélo sur le canal de l’Ourcq jusqu’au parc forestier de la Poudrerie à Sevran, parce que la Seine-Saint-Denis ce n’est pas que du béton !
Pour flâner : les cités-jardins, à Stains par exemple, sont des lieux d’histoire populaire à ciel ouvert, dont la mémoire est soigneusement entretenue par l’association des Cités-jardins d’Île-de-France.
Où se procurer le n° 1 ? Une version audio est proposée gratuitement notamment pour le public : sur quelle plateforme la trouver ? Des exemplaires ont été imprimés pour être mis à disposition dans des bibliothèques : lesquelles ?
Comme la version papier du premier numéro est épuisée, nous proposons plusieurs solutions alternatives. Tout d’abord, une version PDF de Flâneries est disponible à prix libre sur notre page Hello asso.
Par ailleurs, comme l’accessibilité est une notion très importante pour nous, nous proposons une version audio gratuite de Flâneries sur Soundcloud.
Enfin, des exemplaires sont consultables gratuitement dans plusieurs lieux de la région parisienne : le café Bonjour Madame (Paris), la bibliothèque de la Maison des femmes (Montreuil), le Fanzinarium (Paris), la bibliothèque Marguerite Durand (Paris).
Une lecture d’extraits du n° 2 de Flâneries a été proposée à la Cité maraîchère à Romainville le 27 septembre 2024 : quel a été l’accueil du public ?
En effet, à l’occasion du Festival des transitions gourmandes, nous avons lu en avant-première des extraits de notre deuxième numéro, sur le voyage et la nourriture donc. C’était la première fois que nous faisions un événement dans un restaurant et cela s’est très bien passé ! Le public a été chaleureux et accueillant. Nous avons eu de très bons retours sur la qualité des textes et sur le format de notre revue. C’est vraiment encourageant pour la suite.
Enfin, si nos lecteurs souhaitent proposer une contribution sous forme de texte, photo, bd... où peuvent-ils envoyer leurs propositions ?
Nos appels à contribution sont lancés sur une période donnée pour chaque numéro, en fonction du thème choisi. Pour rester informé.e, vous pouvez nous suivre sur Instagram ou vous abonner à notre newsletter en nous envoyant un mail à cette adresse : flaneries.fanzine@gmail.com.
Paule-Élise a également un blog de voyage avec Hélène, 1916 kilomètres. Appelées aussi les Deux Dames en van, Hélène et Paule-Élise arpentent le monde et la Seine-Saint-Denis où elles vivent. Elles proposent d'ailleurs deux micro aventures en Seine-Saint-Denis : une balade à vélo d'Aubervilliers à La Courneuve et une promenade à Romainville.
Découvrez l'entretien avec Jody Danasse qui a contribué au n°2 de Flâneries.
Les amateurs de gastronomie et de voyage peuvent participer à des balades guidées dans des quartiers cosmopolites et des découvertes culinaires au cours d'ateliers ou de visites.
L | M | M | J | V | S | D |
---|---|---|---|---|---|---|
1 | 2 | |||||
3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 |
10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 |
17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 |
24 | 25 | 26 | 27 | 28 |
Actualité des sorties, balades, expo à faire pendant les vacances hiver 2025 à Paris et en Seine-Saint-Denis. Zone C.
Idées d'activités gratuites ou payantes, animations pour tous âges à faire en famille ou entre adultes, en solo,...
Envie de découvrir les lieux, histoire de la Corée à Paris ? suivez la balade guidée par Donatien en mars 2025. Il propose également des balades guidées en lien communauté japonaise à Paris, avec des arrêts...komikku en izakaya !
Les espaces d'Abraxas ont servi de décor à Rosé, chanteuse KPop. Suivez le guide lors d'une visite sur l'architecture de ce lieu qui a aussi servi pour le film Hunger Games.
Suivez Raphaelle pour une sortie sur le thème Sri-Lanka et culture tamoule ! balade en février 2025 et mars.
Envie d'en savoir plus sur l'Inde sacrée, visiter un temple sikh ou hindou... suivez votre guide. Visites pendant les vacances de février et en mars 2025.