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Georges Méliès et les studios de Montreuil


Georges Méliès Georges Méliès naît à Paris en 1861 dans une famille de fabricants de chaussures de luxe, rue Meslay. Il fait ses études au lycée Impérial de Vanves, puis au lycée Louis le Grand, à Paris. Après avoir appris le métier de mécanicien, puis avoir exercé celui de magicien, il est tour à tour producteur, réalisateur, scénariste, décorateur, machiniste et acteur. Il a créé à Montreuil le premier studio de cinéma français.

Méliès, prestidigitateur et illusionniste

Après son baccalauréat, et alors qu’il souhaite devenir peintre, Georges Méliès travaille un temps dans la fabrique de chaussures de son père, Jean Louis Stanislas Méliès, qui lui fait apprendre le métier de mécanicien puis l’envoie travailler en Angleterre pour y étudier la langue.

Vendeur au rayon des fournitures pour corset dans le magasin de confection londonien d’un ami de son père, il profite de son séjour à Londres pour s’essayer à la prestidigitation. Il fréquente l’Egyptian Hall, salle de spectacle et d’exposition, où se produit le célèbre illusionniste David Devant qui l’initie à son art. En échange, Méliès lui fabrique ses décors.

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De retour à Paris, en 1885, il travaille dans la fabrique paternelle et épouse Eugénie Genin, une pianiste d’origine hollandaise, amie de la famille maternelle et qui lui apporte une dot confortable. Parallèlement, il donne des séances de prestidigitation dans des brasseries, à la galerie Vivienne et au cabinet fantastique du musée Grévin, tout en étant journaliste et caricaturiste dans le journal satirique et antiboulangiste, La Griffe, dont son cousin Adolphe Méliès est le rédacteur en chef. Il signe du pseudonyme Geo Smile !

Bien décidé à vivre de son art, Georges Méliès vend, en 1888, ses parts de l’entreprise familiale à son frère afin de racheter le Théâtre des Soirées fantastiques, communément appelé "Théâtre Robert-Houdin" et situé boulevard des Italiens. C’est Léonie Munier, la veuve du fils du célèbre illusionniste français Eugène Robert-Houdin, qui le gérait depuis la disparition de son mari en 1871. Méliès y récupère le matériel des Soirées Fantastiques dont une dizaine des automates construits par Robert-Houdin. Devenu le directeur du théâtre, il y monte des spectacles de prestidigitation qu’il présente en Monsieur Loyal. En 1891, il crée l’Académie de prestidigitation qui se transformera, en 1893, en Syndicat des Illusionnistes, afin de légitimer la présence des magiciens ambulants travaillant dans la rue, alors considérés comme des romanichels par la police. Il en reste le président pendant une trentaine d’années.

Le 1er studio de tournage de France à Montreuil

Le 28 décembre 1895, Georges Méliès est invité à la première projection publique du cinématographe des frères Lumières. Il propose immédiatement aux deux frères d’acheter leur appareil. Leur père, Antoine Lumière, tente de l’en dissuader arguant que, cette invention n’ayant que peu d’avenir, Méliès pourrait s’y ruiner. De toute façon, les deux frères refusent et Auguste, l’aîné des deux dit à Méliès : "Remerciez-moi, je vous évite la ruine, car cet appareil, simple curiosité scientifique, n'a aucun avenir commercial !".

Après ce refus, Méliès fabrique sa propre caméra, fonde une société de production, la Star Film, et projette son premier film dans son théâtre. Ses premiers films sont classiques et ressemblent à ceux des frères Lumière avec des scènes de la vie quotidienne mais aussi ses tours de magie qu’il filme. Méliès abandonne progressivement la prestidigitation et le théâtre Robert-Houdin lui sert de salle de projection pour ses propres films. En 1897, pour 50 centimes, le spectateur peut assister à une séance de trois quarts d’heure pour voir, par exemple, Le Prestidigitateur et le chapeau de Tabarin ou Le Château hanté, le premier "grand film" mesurant soixante mètres au lieu d’une moyenne de dix-sept auparavant.

Afin de renouveler le genre et attiser l’intérêt du public, Méliès a l'idée non plus de tourner des scènes de la vie quotidienne, mais de monter des fictions. Cette idée, née par hasard, surgit lorsqu'il visionne avec un technicien une scène de rue avec un omnibus tournée sur les grands boulevards. Pendant le tournage, la manivelle s'est bloquée, si bien que lors du visionnage, au lieu de l'omnibus, c’est un corbillard qui passait par là qui apparaît. Son technicien s’apprête à jeter la pellicule, mais Méliès réalise le ressort comique de l'incident et décide d'exploiter le "cinéma dans sa voie théâtrale spectaculaire".

Comme les tournages en extérieur ne sont pas simples, Georges Méliès imagine la création d’un grand studio où l’on pourrait effectuer des prises de vues de scènes d’extérieur. Il investit la maison paternelle qui avait été acquise à Montreuil en 1860, au lieu dit "le Bout de la ville". C’est dans cette propriété d’un demi-hectare, au n°3 rue François-Debergue, qu’il fait construire ses deux studios, les premiers en France : le A en 1897 et le B en 1907. Il y tournera l’intégralité de ses films, soit environ cinq cents, colorisés à la main, image par image.

Le bâtiment A, construit en verre et en fer, présente les mêmes proportions que la salle du théâtre Robert-Houdin. Orienté nord-sud afin de capter le maximum de lumière, il mesure 17 mètres de longueur sur 7 mètres de largeur et 6 mètres de hauteur. Une scène de 5 mètres de profondeur complète l’ensemble. Les premières séquences tournées dans le bâtiment A de Montreuil reconstituent des scènes d’actualités truquées, comme l’éruption de la montagne Pelé, des drames, voire des publicités. Mais, rapidement, les scènes féeriques, qui feront le succès de Méliès, arrivent. Le tournage du Voyage dans la lune, inspiré du roman de Jules Verne, De la terre à la lune, est terminé en juillet 1902. Ce film bat tous les records : de longueur (260 mètres), de durée de tournage (trois mois) et du prix de revient (10 000 francs). Le film emporte un succès commercial tel qu’il est maintes fois piraté, notamment aux États-Unis par la firme de Thomas Edison.

Dans le bâtiment B, Méliès entasse toutes sortes d’objets fort encombrants : hélicoptère, ballon dirigeable, tramway, locomotive. Il y construit ses décors et y invente ses premiers films à trucage. Il joue lui-même et fait tourner sa famille, ses voisins et ses amis mais aussi des acteurs, des amateurs recrutés dans la rue, des artistes de music-hall, des danseuses du Châtelet. Méliès filme devant des décors peints, largement inspirés par les spectacles de magie de son théâtre. Cette pratique lui vaut le surnom de "mage de Montreuil". Il réalise des actualités reconstituées en studio (son chef d'œuvre étant Le Couronnement (ou le Sacre) du roi Édouard VII présenté à la cour du Royaume-Uni en 1902. Le cachet des acteurs est le même pour tous : un louis d’or plus le déjeuner. Contrairement à ses contemporains, il ne travaille pas en gros plans, mais essentiellement des plans d’ensemble avec une caméra fixe et une prédilection pour le tournage en studio. Dans L’Annuaire général et International de Photographie qui paraît le 15 janvier 1907, Georges Méliès présente le studio de Montreuil comme un atelier photographique et un théâtre à machinerie. Il y explique comment réaliser un film en s’appuyant sur un scénario, construire des décors (en bois et en toile, le tout en grisaille car les couleurs passent mal en noir et blanc). Il y donne également d’autres indications comme le coût moyen d’un film, mais ne révèle pas comment il réalise ses trucages afin de conserver tout le mystère à ses œuvres.

Du déclin à la ruine : la fin des studios de Montreuil

En 1908, les Films d’Art, la société de production des frères Laffite, sortent leur premier film. Il s’agit d’un film historique, L’Assassinat du Duc de Guise, qui marque profondément l’industrie cinématographique en lançant la vogue des films à caractère historique qui vont démoder les autres genres. Face à cette concurrence, la Star film interrompt ses productions en 1910 et, l’année suivante, Pathé prend le contrôle de la société de production. Georges Méliès retourne à la  prestidigitation. Il se produit à l’Alhambra ainsi qu’en Belgique et en Italie. Pathé vient le chercher au théâtre Robert-Houdin et le pousse à réaliser un nouveau film. Les hallucinations du baron de Münchhausen sort en 1911, puis La conquête du Pôle, l’année suivante. Mais, Méliès n’arrive plus à attirer vers lui le grand public et les loueurs de films refusent de prendre ses œuvres.

En 1913, Méliès perd sa femme et reste seul avec ses deux enfants, Georgette, née en 1888, et André, né en 1901. À l’aube de la guerre de 1914, il se trouve dans une situation financière très délicate. Les échecs commerciaux de ses derniers films provoquent un litige entre Méliès et Pathé qui aboutit à un moratoire décrété par le gouvernement en 1914 : le Théâtre Robert-Houdin, qui était devenu un cinéma avec séance de prestidigitation le dimanche seulement, et les studios de Montreuil sont fermés. Georges Méliès est ruiné. Pour sortir de l’impasse financière, il pense vendre les automates de Robert-Houdin, mais, finalement, transforme le studio B en salle de cinéma de quartier, en 1914, et, l’année suivante, en salle de théâtre au profit de l’hôpital de Montreuil.

De 1917 à 1923, le studio B propose opérettes et opéras-comiques, mais les recettes ne suffisent pas à éponger les dettes envers Pathé. Méliès est obligé de vendre la propriété de Montreuil et de fermer le théâtre Robert-Houdin. Désespéré, Méliès détruit le travail de sa vie : "Toutes les caisses contenant les films furent vendues à des marchands forains et disparurent. Méliès lui-même, dans un moment de colère, brûla son stock de Montreuil" raconte Madeleine Malthête-Méliès, sa petite fille. Ses films sont soit détruits, notamment fondus pour en extraire l’argent, soit vendus : récupérés au poids et transformés en celluloïd pour les talonnettes de chaussures destinées aux poilus ! Plus d’un demi millions de titres disparaissent.

Les studios ont (presque) totalement disparu depuis 1947

En 1925, Méliès retrouve Jehanne d’Alcy, son actrice fétiche, qui tient une boutique de jouets et de bonbons dans le hall de la gare Montparnasse. Il l’épouse et s’installe avec elle derrière le comptoir de la boutique. C’est là que Léon Druhot, le directeur de Ciné-Journal, le retrouve en 1929 et le fait sortir de l’oubli. Parrainé par Louis Lumière, il reçoit la Légion d’Honneur le 22 octobre 1931. L’année suivante, il s’installe dans l’un des appartements du château d’Orly, la maison de retraite de la Mutuelle du cinéma, où il termine sa vie auprès de Jeanne d’Alcy. Il y meurt en 1938.

Georges Méliès est inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Malgré les efforts d’Henri Langlois, les deux studios de Montreuil sont détruits vers 1947. Deux ans plus tôt, en 1945, Langlois avait réalisé un reportage photo sur le site qui demeure le seul témoignage restant de ces deux bâtiments. Aujourd’hui, l’ancienne propriété familiale de Méliès, 3 rue François-Debergue, abrite La Parole errante, Centre international de création installé à Montreuil depuis 1986, sous la direction d’Armand Gatti, poète, auteur, dramaturge, metteur en scène, scénariste et réalisateur. En face, au 4bis, pour peu que l’on prenne la peine de lever la tête, un panneau de l’ancien magasin à décors, vieille halle en bois, est toujours visible. C’est la dernière trace des anciens studios de cinéma de Georges Méliès.

Le cinéma de Montreuil porte le nom de Méliès.

Promenez-vous librement dans Montreuil ou participez à une visite guidée sur les traces de Méliès ou participez à une visite guidée dans des quartiers photogéniques de Paris qui ont servi de décors à de nombreux films.

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