A l'occasion de la programmation de La Veuve du 9.3 au Colombier du 7 au 19 octobre 2019, Seine-Saint-Denis Tourisme donne la parole à Gilles Sampieri, créateur et metteur en scène de la Compagnie Langajà, également auteur de la Trilogie des invisibles.
Gilles Sampieri, vous êtes le créateur et le metteur en scène de la Compagnie Langajà qui administre le Colombier depuis 1999. Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre philosophie de travail ?
Après une formation de musicien, j’ai eu la chance de découvrir le Théâtre aux « Ateliers des Quartiers d'Ivry ». Un petit cabanon en banlieue au milieu des cités où venaient travailler autant les amateurs passionnés que les artistes professionnels. Ce lieu avait été créé par Antoine Vitez, déjà nommé à la Comédie Française, et qui œuvrait pour « Un théâtre élitaire pour tous ». Dans ses mémoires il décrit ses plus beaux moments de théâtre dans ce petit espace de 50m2 en préfabriqué au milieu des immeubles. Cette opportunité de découvrir le théâtre avec l’équipe qu’il avait mise en place, a été décisive pour la suite de mon parcours. Je suis donc de cette mouvance, celle des structures issues de l’éducation populaire, visant l'amélioration du système social en croyant en une possible transformation de tous par la mixité, l’accès au savoir et à la culture. Ces opportunités et rencontres m’ont en effet convaincu de travailler dans ces métiers de la création. En 1993, pour ma première pièce, j’ai été invité en Grèce. J’ai ensuite voyagé au Japon pour étudier l’art gestuel. Et terminé mes études au Centre Américain de Paris. Après une carrière d’acteur et de metteur en scène, j’ai décidé de me consacrer à l’écriture et de revenir à mes origines, en construisant un lieu de création ouvert. En 1999 j’ai donc aménagé avec mon équipe une ancienne usine au centre-ville de Bagnolet, et dédié cet espace aux nouvelles écritures pour la scène. J’y poursuis ma recherche en créant des spectacles et en accueillant d’autres écrivains. Et je continue à avoir confiance dans l’intelligence des spectateurs. Je crois en ces projets d’inscription des artistes au service de la cité, car je suis issue de ces endroits de mixité, exigeants mais accessibles à celle ou celui qui passe la porte d’un théâtre guidé mystérieusement par sa seule intuition ou accompagné de son désir de jouer. Je crois au rire et à la poésie contre l’endormissement des consciences. Attiser et ressaisir le monde avec un théâtre de troupe subversif. Mais je ne crois pas non plus aux distinctions formatées du théâtre populaire, de classes ou autres voyages esthétiques organisés. L’art doit rester libre et non assujetti au pouvoir politique. Le reste est mystérieux, les bonnes histoires nous traversent tous, comme l’amour, la mort, la poésie ou la folie font partie de notre monde sensible. L’important est d’ouvrir l’accès au spectacle, notamment pour les jeunes, et c’est une histoire de qualité de la rencontre et de curiosité, d’information pour soutenir ce qui est rendue possible notamment par ces structures artistiques de proximité, qui, même si elles sont menacées, sont encore largement présentes et dynamiques aujourd’hui en banlieue parisienne.
La Trilogie des Invisibles, inaugurée par La Veuve du 9.3, raconte les transformations urbaines, en particulier en périphérie. Nous aimerions en savoir plus sur ce projet, son origine. D’où vous est venu ce besoin de faire parler les anonymes ?
A? l’orée de ce projet de « Grand Paris » j’ai eu envie d’écrire des histoires comme des petites fictions sur l’avenir de la banlieue et plus largement sur le statut des habitants relégués a? la périphérie des capitales. L’ensemble s’appelle La Trilogie des invisibles. Des Histoires de personnages qui essaient de se réapproprier le réel face à des administrations sourdes ou à des changement subits de leur vie, professionnelle ou intime.
La première partie de cette trilogie s’appelle La Veuve du 9.3 et a été écrite spécialement pour son interprète Céline Marguerie. L’important pour moi dans l’écriture de ces pièces a été la quête la plus radicale des personnages pour leur terre. Faire apparaître une autre réalité des quartiers dits populaires. Il s’agit de retrouver, chez celui qui nous semble « l’anonyme », cette réalité de la vie d’un territoire qui ne nous parvient plus. L’invisible est aussi celui qui est stéréotypé par des statistiques de masse ou des plans d’urbanisation. La littérature et le théâtre nous aident à sortir de ces cases, de ces carcans pour faire apparaître une identité locale bien plus complexe et riche. Dans la pièce, cette banlieue turbulente et en devenir devient aussi un territoire anonyme à découvrir et le poème interroge la langue dans cette direction. Un territoire dangereux qui lutte, plein de vie et véritable poumon du centre. Une terre qui porte une part de l’avenir de notre capitale. Les personnages y sont à première vue invisibles, mais ils créent pour le spectateur des situations explosives et sensibles qu’ils connaissent bien, ces dilemmes entre la rue et les instituions qui éclairent la question de notre citoyenneté. Ces trois pièces questionnent successivement, à travers les domaines de la culture, du sport et de l’urbanisme, les enjeux et les répercussions possibles de la reconstruction des grandes capitales contemporaines, et plus largement les risques de la perte de sens et de l’uniformisation de nos espaces d’expressions.
La Compagnie Langajà mène un véritable travail avec les publics de Bagnolet : en quoi cette implication sur le territoire est-elle primordiale pour vous ?
Je développe depuis 1988, sur le département, de nombreux forums de formation et ateliers en direction des jeunes et adultes. Je suis venu à l’écriture par le théâtre, dans cette relation à l’altérité des publics et mon processus de création est aujourd’hui intimement lié à cette relation d’échange et de création avec des acteurs venus de différents horizons, amateurs comme professionnels. Il s’agit d’inscrire nos trajectoires d’écriture dans une immersion et d’avoir un constat direct de l’impact des textes. Et pour cela nous aimons la critique et la participation immédiate du public. Le Colombier est au départ un lieu pilote, une structure mobile, économiquement légère, construite et gérée par des artistes. A sa création en 1999, nous avions imaginé la possibilité d’une présence plus active et turbulente des écrivains de théâtre dans la cité : comment dépasser les problématiques actuelles en donnant au théâtre les armes dont il a besoin pour parler à cette société. Parler et générer de nouvelles formes de rencontres entre artistes et spectateurs.
La construction de groupement d’auteurs, permet de faire agir sur la ville une autre dynamique collective au théâtre. Nous avons donc dédié la programmation à des équipes qui intègrent directement l’auteur dans l’équipe de création. Avec eux, nous avons mis en place de nombreux « Parcours publics » accompagnant le parcours des créations : lectures de textes inédits ou en cours d’écriture, répétitions publiques, conférences, performances, débats thématiques, rencontres avec les artistes… Pour donner l'occasion aux auteurs de dévoiler au public leurs outils d'écriture et d'expérimentation. La dynamique de ces groupements nous a permis de rassembler autant des publics qui n’ont pas de connaissance du milieu, que des pratiquants initiés.
Depuis 1999, de nouvelles synergies entre spectateurs et artistes ont affirmé l’inscription à Bagnolet d’un cercle d’auteurs qui s’investissent et sont aussi présents sur le terrain.
Cela nous permet de travailler la rencontre artistique à partir des aspects thématiques des œuvres, un outil de réflexion plus large et d’accès plus actif et créatif à la littérature.
Nous avons une fréquentation en évolution constante de ces actions et ateliers de sensibilisation et de pratique, mais surtout une présence qui se partage et s’enrichit entre la diffusion des spectacles et les actions menées ; remplissant notre objectif de ne pas cantonner les spectateurs à la consommation d’un spectacle ou à la fréquentation d’un groupe de pratique. Nous souhaitons faire se rencontrer les publics et les artistes autour de plusieurs objets scéniques et mettre en route des pratiques évolutives qui permettent au public de rencontrer plusieurs techniques d’écriture ou d’outils de pratiques théâtrales.
Pour finir, avez-vous des bons plans ou des adresses sympathiques en Seine-Saint-Denis (restos, sorties culturelles…) que vous souhaiteriez partager avec nos lecteurs ?
La ville de Bagnolet a la chance d'avoir trois théâtres d'initiative privée dont le dynamisme bénéficie à tous : L’Echangeur, Le Samovar et Le Colombier.
Pour les autres sorties la liste est longue et de qualité mais je ne voudrais vexer personne. Pour les plus authentiques et à soutenir, je conseille le restaurant Le nouveau centenaire, 45 avenue Pasteur à Montreuil, qui offre une cuisine de qualité à prix modique et s'engage comme véritable vecteur de citoyenneté et de démocratie.
Également, pour découvrir une autre nature du département avec les enfants, je recommande La Bergerie des Malassis à Bagnolet. Gilles Amar est le créateur de l’association Sors de Terre, qui conçoit et aménage des espaces verts avec les habitants des quartiers d’Île-de-France.
Il faut se rendre enfin à la Médiathèque de Bagnolet pour son immense bibliothèque, son équipe active et l’espace de lecture et d’activités diverses qu’elle propose.
Merci Gilles Sampieri !
Retrouvez La Veuve du 9.3, interprétée par Céline Marguerie, du 7 au 19 octobre 2019 au Colombier (Bagnolet).
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