Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, la chorégraphe Lou Cantor crée un spectacle avec des habitants de Bagnolet. Rencontre avec la chorégraphe lilasienne !
Lou Cantor, vous êtes chorégraphe et vous présentez la Vie Mode d’Emploi dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
C’est un projet que j’ai mené en lien avec le festival. Mon travail de chorégraphe est un peu spécifique puisque je travaille uniquement avec des non-professionnels : je ne travaille pas avec des danseurs, mais uniquement avec des personnes qui vivent une situation particulière au moment de notre rencontre, et c’est ça qui m’intéresse de porter sur scène.
Quand on s'est rencontrées et qu’on a commencé à travailler ensemble avec Frédérique Latu, la nouvelle directrice des Rencontres chorégraphiques, elle m’a confié une vraie carte blanche. On a réfléchi ensemble à qui on souhaitait s’adresser et ce qu’on avait envie de faire, et depuis les bureaux des Rencontres Chorégraphiques, on a vu qu’il y avait un immeuble en face de nous. On s'est dit que la première des choses serait d'aller rencontrer ces habitants pour créer une pièce avec eux. Ça a donné La Vie, mode d'emploi.
Comment les échanges se sont passés avec les habitants et habitantes ? Comment a émergé le sujet du spectacle ?
J’ai fait ma première pièce avec des demandeurs d'asile, ma seconde avec des personnes détenues. Et puis j’avais envie d’élargir le type de personnes avec qui je travaillais. Avec ces habitants, cela réélargissait la vie de chacun, et on pouvait rencontrer des personnes en fonction de leur envie d’être là, et pas seulement parce qu’ils étaient catalogués dans un certain type de vécu.
Mon envie était de m'adresser à des personnes qui n’étaient peut-être pas les plus concernés par les spectacles de danse contemporaine et de m'amuser à faire découvrir mon travail et mon univers. C’était aussi de fédérer un groupe, rencontrer des personnes, qui peut-être vivaient des choses difficiles, et passer 2 mois à créer ensemble un spectacle qui pourrait leur permettre d'aller ailleurs. C’était l’envie de base, mais finalement, ça ne s’est pas passé comme ça !
On a essayé de rencontrer les personnes vivant dans une barre d'immeuble à Bagnolet, mais cela a été un échec de rencontre pour plein de raisons : les gens ont plein d'autres choses à faire, d'autant plus quand on vit des situations difficiles, consacrer 2 mois à faire une création, c'est vraiment le cadet de tes soucis.
Aux premiers ateliers, on a vu arriver des gens que l’on n’attendait absolument pas. Il y avait quand même deux habitantes de cette barre d'immeuble, mais qui ont ramené toutes leurs copines ! Des personnes qui ont plus de 60 ans, qui sont à la retraite et qui se sentent surtout très concernées par la danse contemporaine, qui ont déjà travaillé avec des chorégraphes dans des projets amateurs. Au début, avec Garance Bréhaudat mon assistante, on était déçues de ne pas avoir réussi à toucher des personnes plus éloignées de la danse contemporaine, mais finalement, cette rencontre s’est avérée géniale ! C’est plaisant de travailler avec des personnes qui savent où on va, et puis surtout, cela m’a permis d’aller plus loin dans mon travail artistique, parce qu’elles me suivaient facilement. J’avais envie d’une danse physique, d’un travail autour des danses traditionnelles. On craignait que leur âge soit un frein. Mais ils et elles nous ont suivi avec une certaine gourmandise. Le fait qu’elles aient plus de 60 ans raconte aussi quelque chose de très fort sur le fait d’habiter : beaucoup de choses surgissent, elles nous proposent un retour sur leur vie qui est très beau.
De quoi parle la pièce ?
Ce sont 13 personnes qui racontent ce que c’est que d’habiter un lieu. Mais finalement, ils finissent par parler d’eux, et de leur vie.
Quelles sont les particularités de créer un spectacle avec des non professionnels ?
Ce que j'aime profondément c'est voir sur scène des personnes qui ont peut-être moins de formation à être sur un plateau. Cela fait ressortir toute la sensibilité, quelques “faiblesses” aussi, et mon travail est de faire en sorte que tout cela soit assumé et joli. Mais ce qui me touche, c’est cette douceur et cette naïveté qui ressort, dans la façon de se raconter, qui est à la fois très sincère et juste. Evidemment, il y a des difficultés dans le processus de création, puisque ce sont des personnes qui partent presque de zéro, et en très peu de temps il faut les emmener à un endroit où ils soient bien sur scène. C’est ça le gros challenge : faire en sorte que ces personnes soient à l'aise sur le plateau et sachent ce qu'elles font là et pourquoi elles le font. On passe inévitablement par un moment de doute où les personnes réalisent, assez tard dans la création, qu'elles vont devoir monter sur scène, et ne s’en sentent pas à la hauteur. Ce qui est très beau c’est de voir qu’à chaque fois, les personnes réussissent à dépasser cette peur, grâce au travail et à l’accompagnement que l’on fait ensemble, pour rendre tout cela possible. Voir comment le groupe se met en place, et passe la barrière de la peur pour aller dans le plaisir de partager et d’être ensemble sur un plateau est aussi réjouissant. Il y a aussi le bonheur partageable de raconter ensemble la découverte de la danse de groupe, des danses traditionnelles françaises, et de faire corps dans cette presque création de leurs propres danses traditionnelles.
Est-ce qu’il y a une anecdote de création à partager ?
Elles vont me maudire, mais c’est très joli ! C’est sur les deux habitantes de la barre d’immeuble à laquelle on voulait s’adresser. Mimi est arrivée la première, une petite femme d’environ 70 ans, toute souriante, qui nous a dit qu’elle ramenait sa copine. Puis Claire est arrivée, en faisant une tronche pas possible et nous expliquant qu'elle était là juste pour faire plaisir à Mimi. Au début, Claire n’arrêtait pas de dire que cela ne l’enchantait pas beaucoup de nous suivre. Petit à petit, on voyait Claire qui faisait la tronche, et Mimi de plus en plus souriante. Et puis finalement, Claire s’est prise au jeu... Il faut venir voir le spectacle pour voir le solo que Claire fait, et qui est absolument magnifique. Pour moi c’est le plus beau parcours dans cette histoire, accompagné évidemment des 11 autres, qui sont tout aussi attendrissants. Mais ce parcours de Claire est peut-être celui que je trouve le plus marquant !
Qu’est-ce que ça change que ce soit un travail fait sur la commande des Rencontres Chorégraphiques ? Est-ce que c’est la première fois que vous répondiez à une commande ?
C'est la première fois que j'ai la chance qu’un festival me fasse une commande. Jusque-là, j’ai dû pousser des montagnes pour réaliser mes spectacles : quand j’ai voulu travailler avec les hommes détenus, toute l’organisation était très compliquée pour réussir à faire cette pièce et ensuite la diffuser. Frédérique Latu m’a fait un gros cadeau : celui de me faire confiance et de m’accompagner dans le processus de création. C’est aussi pour cela que je suis partie de son envie, notre envie commune, de travailler avec les habitants d’une tour d’immeuble. C’est assez fort de construire une création avec un festival comme celui des Rencontres Chorégraphiques. Au final, les embûches que l’on a rencontrées - le fait de ne pas trouver exactement les habitant·e·s que l’on attendait – font aussi partie de la pièce. Cette première collaboration a été vraiment précieuse pour moi.
Vous travaillez sur le territoire, et vous vivez aux Lilas. Quelles sont vos bonnes adresses ?
Aux Lilas, je vais souvent au bar de l’Atmosphère, un endroit vraiment chouette où il y a souvent des artistes ! Mais sur cette création, j’ai beaucoup plus découvert Bagnolet. C’est une ville remplie de vie associative, et de lieux qui sont en train d’émerger. L’endroit que je pourrais citer, c’est un lieu dans le quartier de la Noue, où on allait souvent manger pendant la création, appelé Madame Tourte. C’est un restaurant fait de bric et de broc, à côté du parc des Guilands, avec des gens adorables. On y croise des gens du quartier, et c’est vraiment devenu notre QG pendant la création. Vous pouvez être sûrs que vous y croiserez les gens de La Vie Mode d’emploi !
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