Franco-portugaise, habitante depuis toujours d’Aulnay-sous-Bois et 4ème d’une fratrie de 4 s½urs également perchistes de haut-niveau, Marie Ribeiro Tavarès a représenté pendant de nombreuses années le Portugal au saut à la perche lors de compétitions internationales renommées dont les Jeux olympiques à deux reprises (Londres en 2012 et Rio en 2016).
Aujourd’hui retraitée du sport de haut-niveau, elle nous raconte son histoire, son parcours de vie et cette exceptionnelle aventure olympique qu’elle a vécue, sans oublier « l’après » et la création de son association Perfé-O.
Pour quelles raisons avez-vous choisi le saut à la perche ?
Ce n’est pas moi qui ai choisi le saut à la perche mais c’est plutôt le saut à la perche qui m’a choisi.
Ce sont mes parents qui nous ont mis au sport avec mes s½urs. Nous sommes rentrées au club d’athlétisme Dynamic Aulnay Club à Aulnay-sous-Bois toutes très jeunes. C’est ici que nous avons appris cette pratique puisque le club est spécialisé dans la formation du saut à la perche.
Une des pionnières de cette discipline, que je remercie encore, Amandine Homo, était également licenciée de ce club. Elle a été une des premières femmes à faire du saut à la perche en France et à avoir obtenu des records de France Jeunes. Elle a été une réelle source de motivation et m’a donc donné envie de me lancer dans cette expérience unique. Et mes s½urs aussi.
Vous avez participé deux fois aux Jeux olympiques. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette aventure sportive hors du commun que vous avez vécu ?
Les Jeux olympiques restent la plus belle épreuve de ma vie, même si je suis la maman de triplés (rires).
Le sport a été très formateur pour moi en tant que femme. Il m’a appris énormément sur ma manière d’être et de faire, et sur les autres aussi. Comment avoir de la rigueur ? Comment se surpasser et se dépasser ? Mais comment souffrir aussi ? Parce qu’il faut dire la vérité : on souffre beaucoup dans ce genre d’expérience !
Toutes ces questions, je me les suis posées pendant ma carrière et c’est le sport qui m’a permis d’apprendre d’y répondre. La vie m’aurait également permis de le faire mais c’est quand même plus agréable à travers sa passion !
Quelles sont les femmes qui ont marqué votre parcours de vie ?
Amandine Homo est une des premières, mais également ma grande s½ur Elisabeth, qui a eu les records du Portugal avant que je les lui prenne (rires), ainsi que des athlètes étrangères qui ont réalisé des performances hors-normes. Je pense notamment à Yelena Isinbayeva, la détentrice du record du monde du saut à la perche féminin (5.06m), avec qui j’ai fait des compétitions. J’ai été très admirative de concourir à ses côtés. Je me disais que si elle était capable de le faire, alors moi aussi je le pouvais.
Quand on réalise des belles compétitions, cela fait toujours plaisir. Mais dès que ce n’est pas le cas, c’est très dur à affronter. Cela fait partie de la vie et il faut apprendre à se relever de cet échec. Et ce qui est amusant dans cette discipline, c’est qu’elle se termine toujours par un échec (parce que la fin d’une compétition pour un.e athlète s’arrête à partir du moment où la barre tombe sur le tapis). C’est étrange mais on en sort toujours grandi pour la suite.
Vous êtes originaire d'Aulnay-sous-Bois. Pour quelles raisons avez-vous souhaité rester sur le territoire pour partager votre passion auprès de tous avec la création de votre association Perfé-O ?
Avec ma s½ur Sandra (qui a notamment fait les JO de Pékin en 2008), nous avons souhaité installer notre entreprise en Seine-Saint-Denis, même s’il nous a été proposé d’aller à Paris. De nombreuses opportunités se sont ouvertes à nous mais nous, on est du 93 et c’est le 93 qui a fait de nous les femmes que nous sommes devenues aujourd'hui. Revenir sur le territoire et participer à son économie et à des événements sportifs, c'est rendre au territoire tout ce qu’il nous a donné.
En tant que sportive de haut-niveau, trouvez-vous que les femmes sont assez représentées dans votre secteur ?
Dans le saut à la perche féminin, les choses évoluent. Il y a de plus en plus de jeunes filles qui pratiquent cette discipline, et des sportives haut classées qui frôlent des records donc tout cela est très positif. Nous sommes loin de ce qu’il peut se produire dans le monde masculin, compte-tenu de la médiatisation de ce sport avec les champions d’aujourd’hui (Armand Duplantis). Mais il faut continuer d’y croire et d’instaurer cette dynamique chaque année.
Quelles actions concrètes souhaiteriez-vous voir mettre en place dans les prochaines années sur l'égalité hommes/femmes ? Quel chemin reste-t-il à parcourir ?
Il reste du chemin à parcourir oui. Il faut reconnaître que les garçons viennent spontanément pratiquer cette discipline. Cela est moins le cas pour les filles, c’est beaucoup plus complexe. Il faut aller les chercher, leur dire qu’il ne faut pas qu’elles aient peur d’essayer et de tout simplement se lancer. Et une fois qu'elles ont testé, elles sont ravies et veulent recommencer !
Tout ce travail doit également se faire par l’accompagnement des familles qui doivent donner davantage de confiance à leurs enfants puisqu’à la fin, c’est le plus souvent du positif. C’est tout cela que nous travaillons avec Perfé-O.
Quels conseils donneriez-vous à des femmes qui aspirent à faire le même métier que vous ?
Qu’elles essayent, qu’elles osent ! Cela ne va pas être facile car il est difficile de se lancer dans le sport de haut-niveau mais cela vaut le coup. Ce sont de superbes émotions à vivre et cela rend fière de se dire qu’on peut le faire.
Un mot qui est très important pour moi, c’est la persévérance. Tout le monde peut vivre des échecs, mais tout le monde peut également vivre des réussites s’il y a de la persévérance. L’échec amène le plus souvent à de la réussite.
Quelques mots pour conclure pour cette interview ?
La persévérance encore !
Il faut vraiment dire à toutes les femmes « faites du sport, bougez pour votre bien-être physique et mental » mais aussi dans votre vie professionnelle. Si vous avez des projets, lancez-vous et osez ! Se dire « si je peux, tu peux. Si je l'ai fait, tu peux le faire ».
Dernière question : quelles sont vos projets à venir ?
On va continuer tout le travail qu’on met en place dans les quartiers : permettre à tous les jeunes de découvrir le sport en les emmenant vers les clubs les plus proches de chez eux, travailler avec les clubs pour les inciter à davantage ouvrir leurs portes à ces jeunes pour qu’ils puissent tester de nombreuses pratiques, détecter tous ceux qui ont un potentiel réel, accompagner les sportifs de haut-niveau sur leur gestion de carrière notamment sur « l’après ».
Toutes ces initiatives que nous travaillons au quotidien sont essentielles pour que les choses puissent bouger dans les années à venir. Il faut donner goût au sport. Et se dire que le sport est une grande famille qui peut réunir.