Ce carrefour est localisé à l’extrême est de la ville de La Courneuve, entre les fiefs maraîchers de Bobigny et celui de la plaine des Vertus. Au XIXe siècle, c’est d’abord l’Auberge des 4 Routes (située à gauche sur la carte postale ci-contre) qui s’implante ici vers 1830 avant que Jean Rigal ne construise sa fabrique de "noirs de fumée", au lieu-dit le Bois d’Aulne. Les "noirs de fumée" sont utilisés comme pigment pour des peintures, de l’encre ou du cirage. C’est la première usine qui s’installe dans la plaine agricole mais la précarité de la fabrique provoque l’incendie des bâtiments d’exploitation à plusieurs reprises. Son activité se développe considérablement et dans le même temps le quartier s’agrandit rapidement et toute une population s’installe autour du carrefour. L’usine est finalement considérée comme "insalubre pour le voisinage" et en 1935 la municipalité l’acquiert afin de créer un square public.
Le quartier des Quatre Routes est sorti de terre au début du XXe siècle, il passe de 73 habitants en 1901 à 3700 en 1926. Nourrit des vagues d’immigrations concomitantes ou successives, ce quartier cosmopolite comptait déjà plus de vingt nationalités dès les années 1920. Les étrangers sont passés en 10 ans de 7 à 21 % de la population totale de La Courneuve, ce qui est très au-dessus des chiffres nationaux mais qui correspond bien aux phénomènes observés dans les régions industrielles et minières.
Les Flamands sont venus les premiers suivis, entre autres, des italiens et des espagnols qui s’installent dans ledit "quartier nègre" à Drancy. C’est essentiellement le travail qui attire ces migrants, à la faveur de la Première Guerre mondiale, de nombreuses usines travaillant pour l’armée s’installent à La Courneuve.
Pour les ouvriers italiens, La Courneuve est souvent la dernière étape de leur parcours migratoire après une escale à la Villette ou dans la "zone" au-delà des "fortifs" de Paris. Après la Première Guerre mondiale, lorsque les États-Unis réduisent les quotas d’immigration et après l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini, la France accueille une nouvelle vague migratoire. Celle-ci s’installera directement dans un territoire encore peu urbanisé, à La Courneuve. Elle tente, comme à Paris, d’y reconstruire un espace social où elle conserve ses racines. Les familles s’y regroupent. Certains y ouvrent alors des pensions ou construisent des hôtels meublés susceptibles d’accueillir leurs compatriotes. Beaucoup construisent eux-mêmes des maisons de fortune et contribuent à urbaniser le quartier des Quatre Routes. Entre 1921 et 1931 alors que la population de La Courneuve triple, la population italienne est multipliée par 20 et représente 7% de la population courneuvienne, soit 1175 hommes, femmes et enfants.
Source : Jean-Michel Roy, spécialiste du patrimoine industriel de La Courneuve
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