Passionné et diplômé d’architecture, Mohamed a créé la chaîne You tube et association Le Nouveau Programme. Avec pour ambition de démocratiser le regard architectural du public, les visites guidées d’ensembles emblématiques du territoire sont un volet de sa chaîne. Nous sommes partis à sa rencontre.
Bonjour Mohamed, pouvez-vous nous présenter votre parcours et qui vous êtes ?
Je suis architecte de formation. J'ai fait mes études à l’école d'architecture de Paris-La Villette.
Quand j'étais étudiant, j'ai eu l'idée de créer une émission qui parle d'architecture sur YouTube, une idée qui a notamment germé quand j'étais en Erasmus à São Paulo.
J’ai commencé mon émission en rentrant, avec les Choux de Créteil, une vidéo qui a bien marché pour l’époque. J’en ai fait d’autres ensuite.
J’ai par la suite commencé à travailler en agence d'architecture et je me suis rendu compte que je n’aurais plus le temps de faire ces vidéos. Après avoir bossé un an en agence, j’ai donc décidé de laisser tomber afin de développer ce projet qui était resté en suspens depuis presque un an et demi.
Je m’y suis lancé à plein temps, avec l’aide d’amis dans un premier temps pour le tournage des vidéos. J’en suis arrivé à monter une association avec pour ambition de diffuser et promouvoir l'architecture du XXe siècle. Cela passe par plusieurs moyens, principalement ma chaîne "Le Nouveau Programme" avec les vidéos, mais aussi des projections, expositions, et visites guidées.
Pouvez-vous nous présenter "Le nouveau Programme", la chaîne que vous avez créée ?
Oui bien sûr ! C'est une chaîne qui a pour ambition de faire de la vulgarisation architecturale, de promouvoir l'architecture principalement du XXe siècle et valoriser ce patrimoine auprès d'un public le plus large possible. Cela passe principalement par une émission de vulgarisation architecturale qui a le même nom, Le Nouveau Programme. C’est une émission que je présente où, à chaque épisode, je raconte le contexte, je décris le bâtiment, je l’analyse à partir de plans et de coupes comme on le fait dans le monde de l’architecture.
Ensuite, je donne la parole à des spécialistes ou des usagers qui permettent vraiment de faire le tour du sujet. En plus de ce format long, il y a également des hors-série où le sujet est le même mais abordé différemment, sans présentateur, avec un ton différent.
Sur Instagram et TikTok, il y a des nouveaux sujets que j'essaie d'insérer, par exemple, parler un peu d'expos, faire de la création de contenu, comme ça se fait aujourd'hui.
D’où vous vient cet attrait pour l’architecture ?
De mes études en école d’architecture, mais il est vrai que São Paulo a été un déclencheur. C'est une ville où pour moi tout était nouveau, dont la majeure partie du développement s'est faite entre les années 50 et 70, donc une architecture très moderne. Même si les monuments y sont pour beaucoup en béton, tout le monde trouve cela super. Il y a une grande différence de regard par rapport à ce qu’on a, nous, en France... également car on a beaucoup de patrimoine ancien en pierre. Mais des bâtiments comme le CND à Pantin, en béton : on ne trouve pas ça beau. Il suffit juste de rentrer dedans pour se rendre compte qu'en fait, c'est stylé.
São Paulo, c'est une ville de tours. Là-bas, ce sont les riches qui habitent dans les tours. Ici, pour généraliser, ce sont les pauvres qui habitent dans les tours.
C’est justement là qu’on se rend compte que ce n’est qu'une question de regard. Il faut juste amener les gens à regarder différemment et montrer qu'il y a de l'intérêt dans ce qui s’est construit à cette époque, notamment dans le 93.
Pour aller plus loin : l'architecture béton en Seine-Saint-Denis
En quoi le territoire nord-parisien représente pour vous un terrain d’étude intéressant ?
D'abord, parce que c'est un territoire avec lequel je suis intime, ayant grandi ici. Je travaille ici, je vis encore ici, je sors ici. Je passe ma vie à cheval entre le 19ème, le 20ème et le 93. C’est donc la zone où je me sens un peu chez moi.
D'un point de vue architectural, je trouve que c'est intéressant. Ça fait partie des endroits où on a une grande diversité dans l'architecture.
Ce que j'aime bien dans l'architecture et les morceaux de villes qu'on a ici, c'est qu'il y a ce gros mélange des époques, des styles. Tu peux avoir un bâtiment haussmannien à côté d’un bâtiment beaucoup plus moderne.
Dans la zone d’Est-Ensemble où j'ai grandi, ce contraste-là est très présent. Il y a une cité juste à côté d’un quartier d'anciennes maisons ouvrières. À côté, tu vas avoir la cité jardin…
Là où j’ai grandi, il y a un grand parc que personne ne connaît, la Corniche des forts avec la Tour des Lilas. C’est un territoire qui est traversé par le canal de l’Ourcq également et qui relie bien Paris et banlieue, de plus en plus d’ailleurs.
C'est en allant vivre à l'étranger, très loin de tout ce que j'avais connu, que j’ai trouvé une nouvelle clé de compréhension du contexte dans lequel je vivais, mais également sa particularité. Ce territoire regorge de pépites que les gens vont moins voir et qui paraissent un peu plus secrètes. Il y a plein d'endroits où t'as cette impression d’être dans un "lieu inconnu". Il suffit de s’éloigner un peu du centre pour avoir le sentiment de faire des "découvertes", là tu tombes sur un bâtiment qui est génial, un autre qui a été fait par Fernand Pouillon, etc.
Il faut participer à diffuser cette vision enchantée de ce territoire. C’est pour ça que les visites guidées sont importantes !
Comment est née votre première visite guidée autour de l’architecture ?
Pour mon projet de diplôme à l'école d'architecture, j'ai choisi de travailler sur la cité Gagarine qui va être en partie démolie à Romainville, et qui était juste en face de l'endroit où j’ai grandi, la cité de l'avenir aux Lilas.
Avant de commencer mes études, j’étais tombé sur un dossier qui présentait le projet de rénovation urbaine de ce quartier, qui impliquait la démolition de 9 bâtiments et la construction d’un tout nouveau quartier qui me paraissait super. Au fur et à mesure de mes études d'architecture, j’ai changé d’avis. J’ai eu envie de travailler sur ce quartier qui me touchait personnellement et qui rassemblait des sujets auxquels j’étais devenu sensible : la préservation du patrimoine, la valorisation de l’architecture du XXe, l’attention à ses habitants…
J’ai eu envie de faire quelque chose de ce travail après le diplôme. On était dans un moment de tension où le premier bâtiment était sur le point d'être démoli, il se passait quelque chose. C'est là que j'ai contacté Explore Paris pour demander comment ça se passait si on voulait imaginer une visite guidée. J’ai été très bien reçu par l’équipe qui m’a accompagné dès le début à la réalisation de ce qui était à la base une simple idée, mais qui leur a semblé intéressante !
Au final, ça a pris un an et demi avant de faire la première visite. J’ai adoré la faire car ce que je racontais, c'était mon diplôme, c’était toute la recherche qu’on avait menée avec mon binôme Damien Ardanuy. J’ai même pu exploiter la maquette qu’on avait faite pour l’exposer dans un des logements que je montrais dans la visite.
On m’a ensuite suggéré de faire d'autres visites guidées et comme je venais de réaliser une vidéo sur la Cité Pierre Sémard, j’ai proposé d’en faire là-bas. En plus de ça, il y avait les habitantes qui étaient disposées à ouvrir leurs portes.
C’est aujourd’hui la balade qui marche le mieux parce que c'est un bel endroit à découvrir.
Parlez-nous de votre collaboration avec ExploreParis.com. Qu'est-ce que la plateforme vous a apporté ?
D'abord, très pragmatiquement, ça permet d'avoir une visibilité qui est très importante, de personnes qui ne connaissent pas ma chaîne par exemple. C’est donc un nouveau public ! Et c’est un point très important quand on se rappelle que l'objectif, c'est de parler d’architecture au plus grand nombre.
Ce qui est bien avec Explore Paris, c'est que l'équipe est toujours là pour nous montrer la direction et nous motiver à proposer de nouvelles dates. Comme ce n’est pas mon activité principale, c’est bien parce que ça me rappelle à chaque fois de remettre une petite date, etc ; ça me donne des objectifs et un accompagnement important.
Avant même de proposer des visites sur Explore Paris, j’étais déjà un utilisateur de la plateforme à titre personnel. C'est ça aussi qui m'avait donné l'idée de publier dessus car il y a une offre très variée et originale. On y découvre beaucoup de pépites, de lieux un peu secrets.
Avez-vous une visite préférée ? Une anecdote à partager ?
Ce n’est pas vraiment une anecdote, mais ma maquette est toujours dans un des appartements de Gagarine, et je n’arrive pas à récupérer les clés ! Et ils vont démolir le bâtiment alors... j’espère pouvoir la récupérer avant !
Toutes les visites sont marquantes parce que c'est un moment d'échange avec des gens.
Avez-vous des adresses à partager, des lieux préférés ?
J’espère un jour pouvoir faire une vidéo détaillée sur la tour TDF des Lilas qui est un bâtiment extrêmement intéressant mais tout à fait inaccessible. Il est interdit de filmer l’intérieur parce que c'est une zone sensible.
Le terrain militaire va être vendu à la mairie qui va construire un quartier dans le fort de Romainville. Il y aura une résidence étudiante, des logements et un musée mémorial de la déportation sur les femmes de la déportation, car c’est un lieu où beaucoup de femmes ont été emmenées avant d’être déportées pendant la seconde guerre mondiale.
La tour est de moins en moins utilisée, étant donné qu’on passe à la fibre. Il y a la question qui se pose de à terme : qu'est-ce qu'on va faire de cette tour ? Je pense que personne n'imagine de casser ce monument. Il y a un peu l'idée de faire un musée à l'intérieur mais quelle institution aurait les sous pour maintenir ce bâtiment ?
En tout cas, c’est un lieu qui est emblématique de la région parisienne pour moi.