Seine-Saint-Denis Tourisme a interrogé Nadir Dendoune. Aujourd'hui journaliste et réalisateur engagé, il possède un parcours atypique aux multiples facettes, fortement lié à son département de naissance (et de résidence actuelle) et à ses pérégrinations autour du monde. Premier séquano-dyonisien à avoir gravi l'Everest sans aucune expérience en alpinisme, ses premières pensées au sommet ont été pour son « chez lui ». Il vous explique pourquoi !
1/ Vous êtes né et avez passé votre enfance en Seine-Saint-Denis. Pourriez-vous nous décrire quelques éléments marquants de cette enfance séquano-dionysienne ?
Comme beaucoup d’enfants de pauvres issus de la colonisation, ayant grandi dans un quartier populaire avec le béton pour seul horizon, je n’ai pas eu une enfance « de tout repos », même s'il y a eu beaucoup de moments de bonheur parce que dans mon quartier, à la cité Maurice Thorez de l'Ile-Saint-Denis (93450), nous étions très solidaires entre nous, entre Blancs, Arabes, Juifs, Noirs, etc. Pour nous, il n’y avait qu’une seule couleur, celle de l’amitié entre fils de pauvres. C’est en entrant au collège de ma ville que j’ai compris ce que voulait dire la ségrégation sociale, spatiale et raciale.
Quand à l’école primaire, nous étions « mélangés », entre fils de prolos, fils de profs, fils de cadres, en arrivant en 6e, nous nous sommes retrouvés seuls « entre nous » (les classes laborieuses), dans des classes surchargées avec certains élèves qui auraient eu besoin d’un suivi personnalisé. Les autres avaient déserté l'école de la République pour des établissements privés ou avaient fait jouer la carte scolaire pour pouvoir aller dans des écoles parisiennes ; la fameuse égalité des chances !
Ajoutez à cela la violence des relations humaines qu'on retrouve peu ou prou dans chaque quartier populaire où règne une misère sociale. Heureusement à la maison, il y avait beaucoup d’amour, de chaleur humaine et de fraternité, entouré de mes s½urs, mon frère et de mes parents. Mon enfance « riche humainement » dans le 93 m’a permis aujourd’hui d’être le citoyen engagé que je suis. Tous mes voyages à travers le monde, tous « mes exploits », y compris la publication de mes livres ou la réalisation de mes documentaires, bref, tous mes rêves, sont nés en Seine-Saint-Denis. J’ai eu cette chance inouïe d’avoir pu bénéficier de l’aide du service jeunesse de la ville de l'Ile-Saint-Denis et notamment du soutien d’éducateurs de classe mondiale, comme Salah Ouarti ou Jean-Pierre Buono, le premier, ingénieur de formation, le second professeur de français. Tous deux ont sacrifié leurs carrières pour s’occuper de nos tronches de cailleras qui n’intéressaient personne à l’époque.
Sans ce service jeunesse et la mairie communiste de l’époque (aujourd’hui, il ne reste quasiment plus rien de tout cela dans ma ville), je n’aurais pas fait 1% de ce que j'ai fait. A l'époque, malgré tous ses défauts, la municipalité mettait le paquet sur les voyages, la culture et le sport. Un temps bien révolu...
2 / Vous vous êtes fait connaitre en France et notamment dans le département de la Seine-Saint-Denis grâce à une ascension de l'Everest improbable - mais victorieuse - puisque sans aucune expérience d'alpiniste. Une fois au sommet, vous avez brandi un panneau « 93 »…
Oui, je suis très attaché à ce département. Je vis toujours dans le 93. Avant cette ascension sur le toit du monde, j’avais déjà enchainé un tour du monde à vélo pour la lutte contre le Sida en 2001-2002 et aussi un périple à bicyclette en Australie, quelques années plus tôt, en 1993. En revenant en France de mon tour du monde à vélo en 2002, j’ai voulu organiser une exposition photographique à destination des collégiens de la Seine-Saint-Denis.
Malheureusement, à l'époque, je n'avais pas les réseaux nécessaires et on m'a donc envoyé bouler ! Et puis, je n'étais pas encore à la mode ! Après la montée de l’Everest en 2008, j’ai gravi d’autres sommets (Mont Blanc, Kilimandjaro, Elbrouz, Aconcagua…), et à chaque fois le 93 a été brandi en haut de chaque montagne ! Mais mon plus beau projet est la réalisation d'un documentaire sur ma maman. Des figues en avril raconte le parcours d'une héroïne méconnue de la Seine-Saint-Denis : Messaouda Dendoune, 84 ans, ma maman. Une femme kabyle, pauvre et illettrée, qui est arrivée à L'Île-Saint-Denis en 1960 et qui a élevé avec brio neuf Français avec le SMIC de son mari.
3 / Vous avez habité en Australie plusieurs années et avez même obtenu cette nationalité. On a l'habitude de dire que l'on s'attache encore plus à nos racines quand on s'en éloigne. Quels éléments spécifiques à votre « chez vous » vous ont particulièrement manqué ?
C’est en arrivant en Australie que j’ai compris que j’étais d’abord français. Tout me manquait ! La bouffe de ma daronne ! La langue française, les musées, le métro parisien... Et même la ligne 13 surchargée !
Mais j'ai compris en Australie qu'on pouvait-être aussi d'« autres choses » à la fois.
Pour moi, on est du pays où on vit, peu importe notre origine. Je me sens également australien, y vivre huit ans laisse des traces et si, demain, je vais vivre en Angleterre, je suis sûr que je me sentirai anglais. Je me sens algérien aussi parce que mes parents le sont viscéralement, parce que ma maman n'a jamais oublié son village kabyle, ses belles montagnes, ses pâturages, ses figuiers... Et parce qu'à chaque fois que j'écoute Slimane Azem ou Matoub Lounès (deux chanteurs kabyles), j'ai des frissons qui parcourent l'ensemble de mon corps. Croire que les identités sont figées est une absurdité monumentale. Je me sens également très séquano-dyonisien parce qu’être du 93, c’est « spécial », je dirais même que c'est la classe ! Et puis, si nous ne défendons pas ce territoire, qui va le faire ? Nous sommes un des départements les plus pauvres, le plus stigmatisé, le plus montré du doigt. Certains politiques se servent trop souvent du 93 pour alimenter les pires fantasmes racistes. Alors, oui, je le défendrai toujours !
4 / Pourriez-vous nous dire, en quelques mots, ce qui fait, selon vous, l'identité de la Seine-Saint-Denis ?
La Seine-Saint-Denis est une terre rebelle. Dans le 93, on ne lâche rien. C'est un territoire rempli de combattant(e)s.
La fierté est aussi notre marque de fabrique. Même si on décide de la quitter un jour, on ne l’oublie jamais. Séquano-dyonisien un jour, Séquano-dyonisien toujours !
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