Arrivée en France en 2011 pour ses études supérieures, Cynthia Haddad, d’origine libanaise, a décidé de quitter son poste d’ingénieur dans un grand groupe en 2023 pour monter sa propre entreprise de cuisine intitulée « Sumac & Romarin », initialement comme traiteur puis devenu en complément une cantine branchée, installée au sein du Centre national de la danse à Pantin.
Rencontre avec une jeune cheffe engagée et pleine d’ambition.
Visuels de Sophie Loubaton
Pour quelle(s) raison(s) avoir choisi ce métier ?
Dans mon métier d’avant, j’enchaînais les réunions, j’avais une bonne situation de vie mais je n’étais pas réellement heureuse. J’ai donc décidé de me reconvertir et c’est vers la cuisine que je me suis tournée. Elle m'a toujours attirée. C’est pour moi un retour aux sources et surtout une passion depuis l’enfance. Je me suis donc lancée dans un CAP cuisine, qui m’a conduit vers l’épanouissement dans lequel je me trouve aujourd’hui.
Désormais, le fait de toucher de la matière et de travailler de nombreux aliments me stimule. Et puis, c'était important de monter une société qui représente les valeurs que je porte : le 0 déchet, le travail avec des fournisseurs et partenaires locaux, l’intégration dans un écosystème d'entrepreneurs engagés, le travail de la matière première, qui soit également fraîche et bio. Ce sont toutes ces réflexions qui m’ont permis de créer « Sumac & Romarin ».
Vous venez d'ouvrir votre restaurant Sumac & Romarin au Centre national de la Danse (CN D) à Pantin. Pourriez-vous nous donner la raison de votre venue ?
Je suis une habitante de la ville Pantin. M’installer au CN D a été une belle opportunité pour faire connaître mon travail. C’est un lieu emblématique de ma ville d’adoption. Et puis le département de la Seine-Saint-Denis est un territoire qui me fait penser à mon pays d’origine, le Liban. Il y a une mixité sociale, une population très jeune, et beaucoup de vibrations et d’ondes positives.
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Pouvez-vous nous en dire sur ce que vous proposez chaque jour au grand public ?
Cette cantine, que j’ai développée avec mon équipe, n’est pas vraiment un restaurant. Ici, on propose de la vente à emporter directement au comptoir mais il est tout à fait possible de venir déjeuner sur place puisque des tables et chaises sont à disposition dans le grand hall. On propose des plats de tous les jours à des prix raisonnables, entre 10 et 13¤. Notre objectif, c’est de permettre aux clients de retrouver des émotions d’enfance avec des plats réconfortants, comprenant de bons produits et surtout beaucoup d’amour.
Pourquoi le nom « Sumac & Romarin » ?
Les plats cuisinés dans ma cuisine sont tous réalisés à partir d’épices que j’affectionne tout particulièrement et qui viennent du monde entier. Et pour le nom, j’ai décidé d’allier le nom d’une plante très reconnue au Moyen-Orient et donc au Liban, le sumac, et une autre plante majoritairement produite en Croatie, pays d’origine de mon mari, le romarin.
En tant que cheffe expérimentée, trouvez-vous que les femmes sont assez représentées dans votre secteur ?
J'aimerais bien en voir davantage ! Je pense qu’il faut continuer de faire découvrir ce métier aux femmes puisqu’encore aujourd’hui, il a une connotation très masculine.
Ce métier demande de travailler d’autres tâches que celle de cuisiner. Pour ma part, je suis partout : en cuisine, à la plonge, au service. Et puis dans la plupart du temps, il faut aussi porter des charges lourdes. Mais il ne faut se dire que toute personne, quel que soit son sexe, est en capacité de pouvoir le faire. Nous avons tous.tes des muscles, pas seulement les hommes. Il faut donc arrêter avec ces préjugés et permettre aux femmes d’en faire tout autant que les hommes.
Quels défis avez-vous rencontré/ou non ?
Il est vrai que dans certaines cultures, le fait que les femmes donnent des ordres n’est pas forcément accepté. Être une femme peut donc devenir compliqué dans le quotidien de son métier.
Pour ma part et depuis que j’exerce mon métier de cheffe avec l’équipe que j’ai constitué, je n’ai aucun souci avec cela. Je dirige oui, mais on est une équipe donc tout un chacun a évidemment le droit de donner son avis et son expertise. Et surtout il accepte que je sois là où j’en suis aujourd’hui.
Quelles actions concrètes souhaiteriez-vous voir mettre en place dans les prochaines années sur l'égalité hommes/femmes ? Quel chemin reste-t-il à parcourir ?
Dans beaucoup de métiers, il y a encore du chemin à parcourir. Ne pas se contenter de dire et de penser que les femmes doivent être cantonnées à tel ou tel métier. Les mentalités doivent continuer d’évoluer et de fondamentalement changer vis-à-vis de cela.
Pour ma part, il m’est arrivé dans une expérience passée de me faire refuser des missions à mener parce que j’étais une femme. Il y a des défis partout et non pas que dans la cuisine. Il est vrai que le métier de chef est encore connoté comme un métier d’hommes. Mais aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir une équipe qui me fait confiance et qui m’accepte pour ce que je suis en tant que femme et les valeurs que je porte. C’est bien cela le plus important.
Quels conseils donneriez-vous à des femmes qui aspirent à faire le même métier que vous ?
Je n’ai pas de conseils en particulier. Il faut simplement prendre en compte que ce métier est exigent : il faut se lever tôt, se coucher tard et recommencer ce cycle tous les jours. Le quotidien n’est pas tout rose mais dès qu’on est passionné par ce que l’on fait, on accepte et on en redemande.
Alors si vous vous sentez capables de le faire et que vous voulez vivre votre passion jour après jour, lancez-vous ! Et je ne parle pas qu’aux femmes, aux hommes aussi bien sûr !
Quelques mots pour conclure pour cette interview ?
On a qu'une vie et si à un moment donné, on a envie de changer de métier, il faut le faire et foncer. La reconversion peut être bénéfique, cela a été mon cas. Quand on a une idée en tête, il faut se donner les moyens pour l'atteindre.
Dernière question : Pouvez-vous nous dire quels sont vos différents projets à venir ?
J’ai en tête de nombreux projets comme l’ouverture d’une épicerie fine, le lancement d’un food truck spécial street food et l’agrandissement de mon équipe d’ici quelques mois/années. Mais je n’ai pas plus d’infos à vous donner à ce jour… Affaire à suivre !